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Cahiers de nutrition et de dietetique - part 10

Chia sẻ: Meongoan Meongoan | Ngày: | Loại File: PDF | Số trang:16

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Đường ruột và tiêm không liên tục (thường là vào ban đêm) (NP theo chu kỳ), cho phép các bệnh nhân để vận động cơ thể mỗi ngày. Xử lý đường dây là một nguồn dinh dưỡng của nhiễm trùng phải được giảm thiểu và phải được thực hiện với kỹ thuật

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Nội dung Text: Cahiers de nutrition et de dietetique - part 10

  1. Alimentation entérale et parentérale discontinu (le plus souvent nocturne) (NP cyclique), ce risque septique lié à la présence du cathéter veineux : qui permet au patient d’avoir une activité physique diurne. infection à point de départ cutané et/ou des connec- La manipulation des lignes nutritives qui est une source teurs de la ligne nutritive...). Les secondes sont métabo- d’infection doit être réduite au minimum et doit être réa- liques ou nutritionnelles liées à une NP inappropriée, car lisée avec une stricte asepsie. Pour l’IIC, dans le cadre de “passives” : elles peuvent concerner l’ensemble des son organisation complète par le centre agréé, la NP est macro et des micro-nutriments ; elles se traduisent en réalisée à Domicile (NPAD) après éducation du malade particulier par des complications hépato-biliaires. pour les manipulations du cathéter, l’utilisation de la Soulignons qu’il est nécessaire que les complications pompe à perfusion, le conditionnement de mélanges potentielles soient connus de façon à pouvoir les trai- nutritifs, et la conduite à tenir en cas de complications ter précocement. (voir Pour approfondir : Prévention des complications). Complications techniques Substrats. Conditionnement : flacons séparés Complications mécaniques liées au cathéter versus mélanges nutritifs Lors de la pose : Ayant évalué les besoins quotidiens, hydriques et éner- – voie centrale : échec dans 5 % des cas, selon les séries, gétiques, on prescrit les solutés nutritifs. Le substrat fonction des variations anatomiques, d’un défaut de rem- glucidique est toujours le glucose. L’azote est apporté plissage et/ou de l’expérience de l’opérateur. La réduc- sous forme d’acides aminés avec un rapport tion des complications suivantes est inversement propor- essentiel/totaux d’environ 45 %. Les lipides sont admi- tionnelle à l’expérience de l’opérateur : hématome local nistrés sous forme d’émulsion à 20 %, à partir d’huile (plaie artérielle), hémothorax, pneumothorax, chylotho- de soja (Intralipide®, Ivelip®) ou d’huile d’olive rax (ponction du canal thoracique), embolie gazeuse, (Clinoléic®), qui apportent des triglycérides à chaîne lésion nerveuse. Plus rarement sont observés : fausse longue ; certaines émulsions apportent aussi des trigly- route, perforation cardiaque ou pleuro-pulmonaire, cérides à chaînes moyennes (Médialipide®). Les apports troubles du rythme, rupture et migration avec possibilité électrolytiques peuvent être réalisés au moyen de d’embolie pulmonaire ; mélanges prêts à l’emploi (Ionitan®…). On dispose – voie périphérique : l’œdème ou suffusion périveineuse maintenant de mélanges (poches unies ou multicom- précoce est secondaire à l’effraction veineuse par l’intra- partimentées), nutritifs binaires (glucides-acides ami- nule lors de la pose. La douleur sans œdème impose la nés : Clinimix®, Aminomix®…) ou ternaires (glucides, réduction du débit. Rougeur et œdème, signes initiaux acides aminés et lipides : Kabimix®, Clinomel®…), de de veinite et lymphangite imposent le retrait (prévention niveau calorique variable. Les mélanges nutritifs indus- par héparine : 1 000 UI par litre de perfusa). triels en poche d’éthyl-vinyl-acétate d’un volume unitai- re de 2 à 4 litres et de 1 200 à 2 500 kcal contiennent Infection du cathéter rarement une quantité suffisante et adaptée de l’en- semble des minéraux et des oligo-éléments essentiels, Elle est définie par la présence d’un micro-organisme à et jamais, pour des raisons de stabilité, les vitamines : une concentration supérieure à 103/ml au niveau du une supplémentation parentérale est donc indispen- cathéter [prélèvement semi-quantitatif (technique sable pour que la NP soit complète (concept de la Isolator®) par reflux] et les hémocultures sont positives au NPT). Le contenu en lipides oméga 6 des émulsions à même germe avec un rapport hémoculture cathéter sur base d’huile de soja est excessif, car il représente 50 % hémoculture périphérique supérieur à 5. L’incidence est de l’apport énergétique. L’utilisation de mélanges nutri- d’environ 5 % des cathéters en NP pour IIA. La fréquence tifs, adaptés à chaque patient, est plus satisfaisant et annuelle des infections de cathéters en NP est de 0,4 à 1 plus efficace que l’utilisation de flacons séparés : un par année-cathéter en NP pour IIC. Les germes les plus mélange nutritif connecté à une seule ligne nutritive fréquemment en cause sont du genre Staphylococcus (epi- réduit le nombre de manipulations, réduit le risque sep- dermidis et aureus). tique et sécurise le travail de l’infirmière. En IIC, la NP, Le traitement de première intention comprend, en plus doit être, sauf contre-indication, non exclusive, c’est-à- de l’antibiothérapie systémique : dire complémentaire d’une alimentation orale dont – en NP pour IIA : retrait systématique et immédiat du l’absorbé est rarement nul. Ce dernier doit être pris en cathéter ; compte dans le bilan des entrées, et permettre la – en NP pour IIC : le retrait urgent du cathéter s’impose réduction des apports protido-glucido-lipidiques de la en présence de sepsis grave, i.e., choc septique, en cas NP. On rappellera que s’il n’y a pas, chez l’adulte, d’ur- d’infection locale (point d’entrée ou tunnel) et, secondai- gence au traitement d’une dénutrition protéino-éner- rement après identification, pour des germes du genre gétique, il peut y avoir urgence à corriger des désordres Staphylococcus aureus, Pseudomonas, Klebsiella… et pour les hydro-électrolytiques et en certains micro-nutriments infections mycotiques (voir Pour approfondir : Infection du (voir Pour approfondir : Ligne nutritive). cathéter). Occlusion du cathéter Complications de la NP Les occlusions intra-cathéter sont rares (voir Pour appro- fondir : Occlusion du cathéter). La NP est une technique sophistiquée où la iatrogénie est potentiellement fréquente. Les principales complica- Thrombose veineuse tions de la NP peuvent être classés en deux grandes Son incidence est faible sauf en cas de complication lors catégories, techniques et métaboliques. Les premières de la pose et de thrombophilie. Sa prévention est assu- sont mécaniques (secondaires aux cathéters, pompes, rée chez les patients à risque, essentiellement en IIC, par lignes, connecteurs) et infectieuses (secondaires au Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S145
  2. Alimentation entérale et parentérale une dose isocoagulante d’AVK. Les thromboses vei- tement. Le traitement est conduit avec l’information neuses vont de la thrombose locale au point d’entrée vei- éclairé du sujet. C’est la lourdeur du traitement, essen- neuse du cathéter à la thrombose extensive de la veine tiellement liée à sa contraignante durée, qui est à l’ori- cave supérieure. Suspectées sur douleur, fièvre ou circu- gine de ce fait. Cet inconvénient majeur, par rapport lation veineuse collatérale, elles doivent être confirmées aux autres thérapeutiques, peut se retourner en un par Doppler veineux et, au besoin, par phlébographie. Le avantage non négligeable qui est, pour le thérapeute, traitement est celui de toute phlébite. Une infection est la participation active du patient à ses soins. Ainsi le associée à la thrombose dans 15 à 20 % des cas. Le patient de nutrition artificielle, notamment pour patho- retrait du cathéter n’est indiqué en urgence que s’il s’agit logie chronique, peut-il devenir un partenaire de soins, d’une thrombophlébite suppurée. Si la voie veineuse ce qui par la diminution de sa dépendance passive le reste perméable et indolore, le retrait du cathéter en (re)valorise, et contribue à améliorer tant la qualité que l’absence d’infection n’est pas indiqué. l’efficacité du traitement. Complications métaboliques Points essentiels à retenir Complications hépato-biliaires ➤ La NP est à l’insuffisance intestinale ce que la dialy- Elles sont représentées par : stéatose et/ou cholestase, se est à l’insuffisance rénale. L’indication de la NP est fibrose, cirrhose, phospholipidose, sludge vésiculaire, l’insuffisance intestinale aiguë ou chronique, dont les lithiase biliaire et ses complications. Les anomalies du deux causes principales sont une altération sévère des bilan hépatique sont fréquentes (15 à 40 % des cas) et fonctions motrices ou absorptives intestinales, entraî- peuvent apparaître précocement, dès la 3e semaine de nant l’absence transitoire ou définitive d’autonomie NP Elles régressent dans 50 % des cas à l’arrêt de la NP . . par voie orale ou entérale. Il est souvent difficile de définir les facteurs étiologiques ➤ Le but de la NP est de restaurer ou maintenir un propres à la NP en particulier chez les sujets polytransfu- , état nutritionnel normal et notamment les fonctions sés, dénutris, infectés ou atteints d’une maladie inflam- de la masse maigre incluant fonctions musculaires, matoire chronique de l’intestin. On peut incriminer immunitaires et de cicatrisation, de façon à réduire l’apport excessif d’hydrates de carbone et de calories significativement les complications propres de la lors d’une stéatose, habituellement précoce, ou d’une dénutrition, en particulier infectieuses, avec comme stéatofibrose. En NP pour IIC, l’apport d’émulsion lipi- bénéfices attendus la réduction de la durée du séjour dique supérieur à 1 g.kg-1.j-1 (émulsions riches en oméga 6) hospitalier et une convalescence avec moindre morbi- est associée à un risque significativement accru de cho- dité et récupération plus rapide de l’autonomie. lestase intrahépatique chronique et de fibrose extensive ➤ Pour obtenir ce but, la prescription d’une NP qu’el- , pouvant conduire rapidement (2 à 3 ans) à la cirrhose. le soit ou non exclusive, menée par voie veineuse péri- phérique ou centrale et quelle que soit sa durée, doit : Complications osseuses – reposer sur des protocoles écrits pour en éviter les En dehors de l’ostéomalacie vitamino-carentielle, l’os- complications iatrogènes (référentiel de nutrition arti- téopathie de la NP pour IIC est une ostéopathie à bas ficielle) ; remodelage (destruction > formation) qui peut faciliter la – être complète (NP totale) et adaptée à chaque survenue d’une ostéopénie ou d’une ostéoporose, dont patient, c’est-à-dire comprendre l’ensemble des nutri- le diagnostic se fait par ostéodensitométrie (rachis et col ments, substrats glucose, lipides (énergie et acides fémoral). Elle est de cause multifactorielle et, outre l’en- gras essentiels) et acides aminés, et micro-nutriments téropathie initiale, sont impliqués l’apport excessif d’aci- (oligo-éléments, vitamines) et comporter des besoins des aminés, une toxicité de l’aluminium et/ou une hyper- calculés en eau, électrolytes et minéraux. sensibilité à la vitamine D intraveineuse. ➤ Les principales complications de la NP sont tech- niques (infection et thrombose de la voie d’abord vas- Autres complications métaboliques culaire) et métaboliques (prescription inappropriée par – Hypertriglycéridémie, hypercalcémie : risque de pan- défaut ou par excès d’apport en l’un des macro-nutri- créatite aiguë ; hypo ou hyperglycémies (d’où la néces- ments ou micro-nutriments). sité d’une surveillance par glycémies capillaires). – Syndrome carentiel dû à un apport inadapté en élec- trolytes, minéraux, vitamines et oligo-éléments. Pour approfondir Complications psychologiques L’insuffisance intestinale chronique : elle est observée, passée la Une évaluation psychologique est nécessaire avant la phase des soins intensifs, en milieu de gastro-entérologie, et sa durée varie de quelques mois à plusieurs années. L’IIC est mise en route d’un programme de NPAD pour IIC. Un jugée définitive lorsque le retour à l’autonomie nutritionnelle programme de psychothérapie de soutien et un traite- orale, définie par le maintien d’un état nutritionnel normal ou ment anxiolytique et/ou antidépresseur sont en effet subnormal en utilisant uniquement la voie d’abord digestive, nécessaires dans plus de 25 % des cas. n’a pas été possible, en milieu spécialisé, avant 2 et 4 ans, res- pectivement chez l’adulte et l’enfant. Dysmotricité et malab- sorption coexistent souvent en présence de fistule de l’intes- Conclusion tin grêle (10-20 % des cas). L’occlusion intestinale peut ou non s’accompagner de sténose(s) : dans le premier cas, il s’agit Comme pour toute nutrition artificielle, la NP peut principalement de cancer (carcinose péritonéale…), de mala- difficilement se passer, notamment en IIC, d’une infor- die de Crohn ou d’entérite radique ; dans le second cas, il mation claire au patient sur les buts et modalités du trai- existe une pseudo-obstruction intestinale chronique (POIC), Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S146
  3. Alimentation entérale et parentérale dont les causes sont nombreuses. Chez l’enfant, il s’agit – La localisation intra-vasculaire du cathéter doit être vérifiée en principalement d’altérations musculaires ou neurologiques fin de pose. Le cathéter est immédiatement fixé pour éviter primitives, alors que chez l’adulte, il s’agit souvent de causes toute migration et un pansement occlusif stérile est mis en secondaires, telles qu’une sclérodermie, un syndrome para- place au point de sortie externe du cathéter pour éviter son néoplasique, etc. La malabsorption sévère responsable d’une infection. insuffisance intestinale est le plus souvent consécutive à la En IIC, on peut envisager la NP par des méthodes alternatives résection totale ou étendue de l’intestin grêle. Les principales aux cathéters centraux à embout externe : chambre implan- causes de syndrome de grêle court sont : la maladie de table sous-cutanée (notamment en milieu cancérologique, elle Crohn et l’entérite radique (50 % des cas), les infarctus mésen- permet une réduction des contraintes liées à l’asepsie, mais tériques (30 % des cas) secondaires à un traumatisme, à un nécessite des piqûres répétées) ou plus rarement fistule artério- volvulus ou, le plus souvent chez l’adulte, à une ischémie veineuse. Prévention des complications : les recommandations suivantes qui mésentérique artérielle ou veineuse et les néoplasies (20 % des cas). Le syndrome de grêle court représente 50 % des cas concernent la NP par voie veineuse périphérique ou centrale, , d’insuffisance intestinale chronique sévère et, chez l’adulte, réduisent ses complications dans plus de 75 % des cas. – La voie parentérale doit être a priori réservée aux seuls plus de 75 % des cas d’insuffisance intestinale chronique per- manente (jugée définitive). La malabsorption sévère, sans apports nutritifs. Des apports électrolytiques inappropriés, résection, est représentée par l’atrophie villositaire totale notamment de phosphate de calcium, peuvent entraîner (maladie cœliaque résistante au régime sans gluten…) et les des précipités métastables, responsables d’occlusion bru- lymphomes B ou T diffus du grêle. tale, non cruorique, des cathéters. Certains solutés sont Besoins particuliers : certains acides aminés, non essentiels, incompatibles avec les mélanges nutritifs (exemple : bicar- tels que la glutamine, l’arginine et l’alpha-cétoglutarate bonate, certains antibiotiques) et d’autres compatibles d’ornithine (précurseur des deux précédents), possèdent (exemple : anti-H2, certains antibiotiques). Le pharmacien des propriétés pharmacologiques (sur le métabolisme pro- de l’établissement doit être consulté avant tout ajout au téique, la cicatrisation, l’immunité) lorsqu’ils sont apportés mélange nutritif. en quantités importantes (de l’ordre de 10 à 30 g/j). La glu- – Toute NP (soluté glucosé de concentration > 5 %) ne doit pas tamine est considérée comme conditionnellement essen- être arrêtée brutalement, mais par deux paliers de 20-30 min. tielle en situation d’agression. Ainsi, elle améliore l’état chacun, où le débit de perfusion est réduit de 50 %, de façon à nutritionnel et le pronostic des patients ayant une greffe de éviter l’hypoglycémie réactionnelle. moelle pour maladie hématologique. Des suppléments – Les manipulations, connections et déconnections, de la d’oligo-éléments améliorent le pronostic des patients ayant ligne nutritive doivent se faire par un personnel infirmier qua- une brûlure étendue. lifié et entraîné appliquant les règles strictes d’asepsie chi- Aspects techniques concernant la voie d’abord veineuse : rurgicale. Ce principe est fondamental pour éviter l’infection – Pour diminuer le taux de complications, le cathéter doit nosocomiale manu-portée du cathéter, dont l’origine est mul- toujours être mis en place par un opérateur entraîné avec tiple : à partir des embouts ou aiguilles (chambres implan- asepsie chirurgicale, que la pose se fasse par voie percutanée tables), du point d’entrée cutané ou des connecteurs de la médicale ou, plus rarement, par dénudation veineuse chirur- ligne nutritive. gicale. – L’infection liée aux cathéters est la plus fréquente des – Avant la pose d’un cathéter, l’examen clinique recherche une complications techniques de la NP ; la NP elle-même en est pose antérieure et une circulation veineuse collatérale pré-tho- un facteur de risque ; sa fréquence est significativement racique. L’un de ces deux arguments impose de vérifier par réduite lorsque les personnels ont élaboré et se réfèrent à écho-Doppler les axes veineux perméables afin de guider la un protocole écrit adapté à chaque type d’indication (IIA versus IIC). pose du cathéter, puisque plus de 50 % des thromboses vei- neuses du système cave supérieur sont cliniquement asympto- – Il est montré que la fréquence des complications infec- matiques. tieuses liées à la NP ne dépend pas du matériel utilisé : cathéters à embout externe v ersus à chambre implantable, – En accès veineux central, il est préférable de choisir la voie cathéters mono- v ersus multilumières, mais bien de l’appli- sous-clavière droite, car la voie sous-clavière gauche entraîne une fréquence significativement plus grande de thrombose vei- cation stricte des protocoles écrits. Ceux-ci sont au mieux neuse. En l’absence de tunnellisation, la voie sous-clavière per- mis en place par les “nutrition team” des pays anglo- met également de maintenir plus facilement que la voie jugu- phones ou les CLAN des pays francophones : ainsi, le taux laire les nécessaires pansements stériles occlusifs : ainsi, la d’infection lié aux cathéters est réduit de 25-30 % à moins probabilité d’infection liée au cathéter est plus faible avec la de 5 %. voie sous-clavière. – Il a été très récemment démontré que l’utilisation en IIA de – La tunnellisation sous-cutanée du cathéter, d’usage en IIC, per- cathéters ayant un film antiseptique/antibiotique (endo et exo- met de réduire significativement la colonisation microbienne de luminal) réduit significativement le taux d’infection et améliore la partie intra-vasculaire du cathéter lorsque le site d’insertion le rapport coût/efficacité. Ces cathéters sont à ce jour non dis- n’est pas stérile, ce qui est le cas chez près d’un tiers des ponibles en France. patients, malgré le changement nécessaire des pansements – Malgré l’utilisation de cathéters en silicone ou en polyuré- occlusifs stériles 3 fois par semaine par des infirmières entraî- thane, la perfusion en veine cave supérieure entraîne avec une nées et qualifiées. La tunellisation n’est pas l’usage en IIA, et fréquence non négligeable une thrombose veineuse sur le tra- certains praticiens pratiquent un changement systématique, sur jet ou à l’extrémité interne du cathéter. Cette complication de guide, de l’abord veineux central. La tunellisation est cepen- la NP est significativement réduite par un traitement antivitami- dant indiquée, car elle réduit le risque infectieux, lorsque nique K préventif à dose isocoagulante (par exemple : 1 mg/j l’abord veineux central est fémoral. de warfarine). – Les cathéters en polyuréthane ou silicone sont préférables Notons que la prévention par héparine de la thrombose vei- aux cathéters en polychlorure de vinyle (PVC), car moins throm- neuse sur cathéter central en PVC s’est avérée inefficace. Ce bogènes. type d’étude n’a pas été réalisé avec des cathéters en polyuré- – L’extrémité intra-vasculaire du cathéter doit être positionnée thane ou silicone. Cependant : à la partie inférieure de la veine cave supérieure (VCS), soit en – l’addition d’héparine (1 000 UI/l) à la NP ne prévient pas le regard du 7e espace intercostal, et ni la position intra-auriculaire développement du manchon de fibrine péri-cathéter, dont la droite, plus distale, ni une position plus proximale ne sont fréquence augmente avec la durée de NP ; conseillées ; en effet, ces localisations sont respectivement – le traitement des thromboses veineuses (héparine, puis AVK) associées à un risque accru de troubles du rythme ou de throm- survenant sur cathéters centraux siliconés, sans retrait de ceux- bose cave. ci, prolonge leur durée de vie ; Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S147
  4. Alimentation entérale et parentérale – une prévention primaire de la thrombose liée à la NP par voie Cas clinique n° 1 veineuse centrale semble devoir être proposée dans les deux cas de figures suivants : Un patient âgé de 55 ans a nécessité, il y a trois mois, - extrémité intra-vasculaire du cathéter central trop proximale, une résection intestinale importante du fait d’un - patients ayant un risque accru de thrombose veineuse : anté- cédents de thrombose veineuse, patients traités par œstropro- infarctus mésentérique d’origine artérielle. Il reste en gestatifs, patients présentant un syndrome inflammatoire et/ou continuité digestive 60 cm d’intestin grêle post-duo- une hypo-albuminémie, patients ayant une thrombophilie. dénal anastomosé à la moitié (gauche) du côlon et le Ligne nutritive : par voie centrale, la NP doit comprendre une patient a perdu 10 kg (IMC : 17). Il persiste un impor- pompe au débit programmable avec alarme ; la ligne nutritive tant syndrome de malabsorption. De façon à rétablir doit être d’une longueur suffisante pour permettre les mouve- un état nutritionnel normal, les médecins qui ont en ments du patient sans contrainte et sans risque de traction invo- charge ce patient proposent une voie d’abord vei- lontaire du cathéter ; par voie périphérique, la NP peut être réa- neuse de façon à réaliser une nutrition parentérale. lisée avec une ligne ayant un régulateur de débit. L’asepsie des connections doit être réalisée pour prévenir toute infection du cathéter. Questions Infection du cathéter : dans les autres cas, le cathéter peut être laissé en place, mais l’arrêt de la perfusion et le changement de l’embout du cathéter sont immédiats. Un verrou local 1 - Quelle voie veineuse allez-vous choisir ? Sur quels (“lock”) d’antibiotique (volume de 2 ml, car le volume inter- arguments ? ne des cathéters est de 1 ml) est alors mis en place (après hémocultures) en choisissant ou l’amikacine (8 mg dans 2 ml) ou la teicoplamine ou la vancomycine (8 mg dans 2 - Enumérez les principales complications de la nutri- 2 ml), avec adaptation ultérieure à l’antibiogramme. La tion parentérale. durée habituelle de ce traitement est de 15 jours. Son effi- cacité (stérilisation du cathéter sans son retrait) est > à 90 % 3 - Quelle est la conduite à tenir en cas de survenue de pour les cathéters à embout externe. Le cathéter n’est sté- fièvre chez ce patient ? rilisé, lorsqu’il s’agit d’une chambre implantable, que dans environ 50 % des cas. Après défervescence thermique, cer- 4 - Quelles sont les classes de nutriments indispensa- taines équipes complètent le traitement par une ou deux bles à apporter lors de toute nutrition parentérale ? injections à 24 h d’intervalle de thrombolytique en intra- cathéter (exemple : streptokinase 2 500 UI dans 2 ml de sérum physiologique laissé en place 3 h, puis aspiration et Réponses rinçage au sérum physiologique). Occlusion du cathéter : leur fréquence annuelle en IIC est de 0,18 à 0,30 par année-cathéter. Une occlusion cruorique partielle et 1 - Centrale (sous-clavière ou jugulaire interne) du fait récente peut être levée par 2 verrous locaux (perfusion intra- d’une nutrition : prévisible prolongée (> 3 semai- cathéter) de streptokinase (agent thrombolytique). Des verrous de 2 ml d’alcool à 30 % ont été proposés lorsque l’occlusion, nes) et hyperosmolaire, car nécessitant l’adminis- de survenue progressive, est à composante lipidique. L’échec tration à un niveau suffisant de tous les nutriments. de ces traitements locaux impose le retrait du cathéter ou de la chambre. 2 - Complications techniques : infection, la plus fré- quente, thrombose veineuse sur le trajet du cathé- ter et, plus rarement, occlusion du cathéter, et Pour en savoir plus complications métaboliques : hépato-biliaires (stéa- tose, cholestase, lithiase biliaire et ses complica- tions), dyslipidémies, anomalies du métabolisme Cynober L., Crenn P., Messing B. - La dénutrition. Rev. Prat. 2000; glucidique et syndromes carentiels en minéraux et 50, 1593-9. micro-nutriments (oligo-éléments et vitamines). Messing B., Bleichner G. - Principes et techniques de la nutrition arti- ficielle par voie entérale et parentérale. Encycl. Med. Chir. 3 - Arrêt de la perfusion, hémocultures périphériques Endocrinologie-Nutrition, 10-1995; 392-A-10, 10 p. et sur le cathéter, ablation immédiate de la voie d’abord dans les cas suivants : choc septique, Nutrition de l’insuffisance intestinale aiguë et chronique. Nutr. Clin. thrombophlébite suppurée, infection du trajet Métabol. 2000; 14, 269-349. cutané (foyer infectieux local), infection sur cathé- Roulet M. : Indications et contre-indications de la nutrition parenté- ter prouvée et à germe “virulent” (staphylocoque rale chez l’adulte en milieu hospitalier. Nutr. Clin. Métabol. 1999; doré, pseudomonas ou klebsielle et levure), anti- 13 (S1), 16S-18S. biothérapie probabiliste, puis basée sur le germe identifié et son antibiogramme, pendant une durée Traité de Nutrition artificielle de l’adulte ; SFNEP Mariette Guéna minimale de 1 à 2 semaines. éditeur; 1998, 945 p. 4 - Macro-nutriments énergétiques (glucose associé ou non à des émulsions lipidiques à 20 % avec des lipides à longue chaîne ou parfois à chaîne moyenne) et protéiques (ou azotés) (environ 1 g/kg/j sous forme d’acides aminés incluant tous les acides ami- nés essentiels), eau (environ 30 ml/kg/j), électrolytes (notamment sodium, potassium, calcium, phos- phore, magnésium) et (d) micro-nutriments (vita- mines liposolubles et hydrosolubles, oligo-éléments). Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S148
  5. Alimentation entérale et parentérale Réponses Cas clinique n° 2 Un patient âgé de 45 ans est hospitalisé pour le bilan 1 - Oui. Du fait d’une dénutrition sévère (IMC : 15,5, d’un cancer de l’œsophage du tiers moyen, sténosant. Il perte de plus de 20 % du poids corporel), de la est en aphagie quasi complète pour les solides, a perdu prévision d’une intervention lourde, dont la morta- 25 kg en 1 an et pèse 45 kg pour 1,70 m (IMC : 15,5). Il lité et la morbidité sont augmentés en présence n’y a pas de pli cutané. Une intervention chirurgicale à d’une dénutrition sévère. On envisage un pro- visée curative par œsophagectomie est envisagée. gramme de nutrition pré et post-opératoire dont 7 à 12 jours en pré-opératoire et une durée variable en post-opératoire. Questions 2 - Voie d’abord veineuse, car voie digestive non utili- sable. On peut proposer, soit une voie d’abord 1 - Faut-il effectuer une nutrition pré-opératoire ? Si périphérique (car durée de NP pré-opératoire rela- oui, pour quelles raisons ? Indiquer la durée de la tivement courte), soit une voie centrale, car le renutrition. patient doit subir une chirurgie lourde. 2 - Quelle voie de nutrition choisissez-vous ? Pour 3 - Apports énergétiques modérés : DEB x 1, du fait quelles raisons ? de la dénutrition sévère ; apports protéiques : équi- valent à 1 g/kj/j de protéines ou de l’ordre de 8 à 3 - Quels apports protéino-énergétiques prescrivez- 9 g d’azote/j. vous ? 4 - Anormale : on met en évidence des signes en 4 - Une nutrition a été entreprise : le patient prend faveur d’une rétention hydrosodée et, notam- 2 kg en 3 jours. Cette prise de poids est-elle nor- ment, des œdèmes des membres inférieurs male ou anormale ? Que devez-vous recherchez à (rétromalléolaires ou pré-tibiaux) ou déclives l’examen clinique et quel est le diagnostic le plus (lombes). probable ? Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S149
  6. Anémies nutritionnelles Anémies nutritionnelles Clinique Points à comprendre La clinique est souvent pauvre et les signes peuvent même être absents. En effet, l’installation insidieuse de ➤ Les anémies nutritionnelles sont des anémies liées à l’anémie peut conduire à une adaptation plus ou moins une carence en un ou plusieurs des éléments entrant consciente, marquée par une économie de l’activité phy- dans la synthèse de l’hémoglobine : essentiellement fer, sique. Quand signes cependant il y a, il faut distinguer les vitamine B12 et acide folique, accessoirement, cuivre et signes de l’anémie en général (pâleur conjonctivale, zinc. Suivant l’étiologie, l’anémie sera hypochrome ou asthénie, dyspnée d’effort…) de ceux de l’anémie ferri- normochrome, c’est ce premier élément qui orientera la prive en particulier (notamment altération des phanères démarche diagnostique. et des muqueuses digestives). Par ailleurs, un syndrome ➤ Le déficit est dû à un déséquilibre entre apports et particulier tout à fait caractéristique de la carence en fer besoins. L’anémie est le dernier stade de la carence, elle est le syndrome de Pica (voir : Pour approfondir). surviendra d’autant plus vite que les réserves de l’orga- nisme sont faibles par rapport aux besoins. Différentiel La carence martiale doit être distinguée des autres ané- mies hypochromes : la thalassémie et les anémies inflam- A savoir absolument matoires. – les anémies inflammatoires sont évoquées sur : Les anémies hypochromes • le contexte clinique : atteinte de l’état général, fièvre, sueurs ; Anémie par carence martiale • les éléments biologiques : élévation importante de la C’est la plus fréquente des anémies, survenant aussi vitesse de sédimentation et des protéines de l’inflamma- bien dans les pays du tiers monde que dans les pays tion, la ferritine est également augmentée ; riches à l’alimentation déséquilibrée, elle toucherait, – les thalassémies évoquées chez des sujets originaires du selon une estimation de l’OMS, 500 à 800 millions de Bassin méditerranéen ou d’Afrique, en présence d’une personnes. hépatosplénomégalie et l’association à un fer sérique normal ou augmenté, l’électrophorèse de l’hémoglobine Physiopathologie de la carence en fer permet de confirmer le diagnostic. (voir Pour approfondir : Physiopathologie de la carence en fer) Toutefois, ces anémies peuvent être associées à une carence en fer. L’association d’un syndrome inflammatoire et d’une Diagnostic carence en fer est fréquente, notamment chez le sujet âgé. Biologique En présence d’un syndrome inflammatoire, des valeurs de ferritine comprises entre 20 et 90 mg/l doivent faire évoquer L’anémie par carence martiale est une anémie hypochro- la carence martiale. On a proposé dans ce cas le dosage des me, l’hypochromie étant définie par une baisse de la récepteurs de la transferrine, mais il n’est pas de pratique teneur moyenne en hémoglobine (TGMH) exprimée en courante et dans le doute, la réponse à un traitement martial picogrammes et de la concentration corpusculaire doit être étudiée. Dans tous les cas, la prise en compte de moyenne en hémoglobine (CCMH), elle est classique- l’ensemble du tableau biologique est nécessaire (tableau I). ment microcytaire (diminution du volume globulaire moyen, mais cet élément peut manquer en cas de déficit Etiologique associé en folates ou en vitamine B12). La baisse de la Les besoins quotidiens ne représentent que 1/100 à ferritine (voir Pour approfondir : Diagnostic biologique de la 1/400 des réserves de fer. De plus, l’organisme dis- carence en fer), en présence d’une telle anémie, est patho- pose de différents mécanismes pour se protéger de la gnomonique de la carence martiale. Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S150
  7. Anémies nutritionnelles Tableau I Diagnostic des anémies hypochromes Examens Carence Anémie Anémie Carence Thalassémie Anémie biologiques martiale ferriprive inflammatoire martiale sidéroblastique infra-clinique + anémie inflammatoire ↓ ↓↓ N ou ↑ N ou ↑ ↑ Ferritine N ↑ ↓ ↓ N ou ↓ N ou ↓ Transferrine N ↓ N ou ↓ ↓ ↑ ↑ Coefficient N de saturation ↓ N ou ↓ ↓ N ou ↑ ↑ Fer sérique N ↓ ↓ ↓ ↓ ↓ Hémoglobine N ↓ N ou ↓ N ou ↓ ↓ ↓ TCMH N ↓ ↓ ↑↑ ↑ Ferritine N N érythrocytaire carence en fer : 1) le fer des globules rouges est réuti- individuels et du mode de contraception : les contracep- lisé, 2) l’absorption du fer augmente en fonction des tifs oraux diminuent les pertes alors que le stérilet les besoins. Toutefois, l’équilibre entre apports et besoins double. C’est ainsi, qu’en dehors de toute pathologie, les peut être compromis dans différentes circonstances : besoins en fer sont supérieurs à 1,7 mg par jour chez augmentation des besoins, augmentation des pertes et 30 % des femmes. insuffisance d’apport ou d’absorption. Pour couvrir ces besoins, il faut un apport de 11 mg de fer par jour si 15 % du fer ingéré est absorbé, ce qui est Augmentation physiologique des besoins ou insuffisance le cas dans un régime occidental ; or, 50 % des femmes d‘apports françaises ont des apports inférieurs à 10 mg par jour. En dehors de toute pathologie, ou d’une dénutrition plus L’absorption du fer augmente avec les besoins, mais, globale, la carence en fer peut se voir dans trois circons- chez la femme non prégnante, elle atteint un plateau tances (voir Pour approfondir : Apports alimentaires en fer et lorsque les besoins dépassent 1,8 mg par jour. Un certain biodisponibilité) : nombre de femmes ne compensent donc pas leurs pertes. Ces quelques chiffres expliquent que 94 % des Chez le nourrisson de 0 à 30 mois anémies chez les femmes de moins de 50 ans soient – Les besoins sont élevés en raison de la relative faibles- associées à une carence martiale. – Chez la femme enceinte, l’anémie ferriprive touche 9 à se des réserves (notamment chez le prématuré ou en cas de grossesse multiple) et de la rapidité de la croissance. 37 % des femmes enceintes. Le coût total en fer d’une C’est ainsi que les besoins quotidiens de la première grossesse est d’environ 500 mg. Pour couvrir ce besoin, année de la vie, rapportés au kilo de poids corporel, sont 2,5 mg par jour sont nécessaires, ce qui représente un 8 fois supérieurs à ceux d’un adulte de sexe masculin. Le apport de 17 mg ; or, les apports moyens des femmes lait de femme et le lait de vache contiennent des quanti- enceintes sont de 12 mg par jour et 25 % d’entre elles tés de fer relativement proches, de l’ordre de 0,5 à ont, en France, des apports inférieurs à 8,3 mg par jour. 1 mg/l. Cependant, la biodisponibilité du fer contenu Deux facteurs interviennent pour prévenir l’anémie : dans le lait de femme est bien meilleure, de l’ordre de l’augmentation de l’absorption du fer pendant la gros- 50 %, voire plus, tandis qu’elle n’est que de 5 à 10 % pour sesse, en fin de grossesse, les capacités d’absorption du le lait de vache. En outre, le lait de vache peut entraîner fer sont multipliées par un facteur allant de 3 à 10, et un saignement digestif chez le nourrisson. l’état des réserves. Normalement de 500 mg, elles cor- La carence martiale est donc favorisée par un sevrage respondent à la quantité de fer nécessaire pour la gros- précoce non relayé par un lait enrichi en fer et par une sesse. Si elles sont faibles en début de grossesse (gros- diversification tardive de l’alimentation. sesses répétées ou contraception antérieure par stérilet), le risque d’anémie est très important en l’absence de Chez l’adolescente supplémentation. 8 % des adolescentes françaises ont une anémie ferriprive. – les besoins sont augmentés par la conjonction de deux Augmentation des pertes phénomènes : Pour les pertes pathologiques, il faut retenir à ce sujet l’équivalence suivante : 10 ml de sang = 5 mg de fer. Les • la croissance ; pendant la période de croissance maxi- male, 280 mg de fer par an sont nécessaires pour main- causes sont des saignements chroniques, essentielle- tenir le taux d’hémoglobine, ment gastro-intestinaux chez l’homme et les femmes • l’apparition des règles qui représentent à cette pério- ménopausées, et gynécologiques chez la femme en âge de de la vie une perte de 175 mg par an avec une impor- de procréer. La pratique de l’hémocult n’a guère d’inté- tante variabilité individuelle. rêt chez l’homme, puisqu’il faut rechercher en pratique une cause gastro-intestinale ; elle garde en revanche un Chez la femme en période d’activité génitale intérêt chez la femme. Pour les autres saignements (sai- – En dehors de la grossesse, les pertes en fer liées aux mens- gnements urinaires, hémosidérose pulmonaire, hémolyse truations sont très variables, elles dépendent de facteurs intra-vasculaire…), les pertes sont plus modestes et ne Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S151
  8. Anémies nutritionnelles portent véritablement à conséquence qu’en cas de fac- signes centraux dans les deux types de carence, avec des teurs associés (ex. du sujet âgé cumulant une insuffisan- troubles de la mémoire, voire un état pseudo-démentiel. ce des apports quantitative et qualitative (moins de pro- téines animales), une diminution de l’absorption du fer Biologique par hypochlorhydrie gastrique, et des pertes par traite- Caractérisant l’anémie mégaloblastique ment anti-inflammatoire ou hémorroïdes…). Chez le pré- – numération formule : anémie normochrome macrocy- maturé, les bilans sanguins itératifs sont à prendre en taire, la teneur globulaire moyenne en hémoglobine est considération. Les pertes de fer physiologiques et patho- normale ou augmentée, le volume globulaire moyen est logiques sont examinées plus en détail (voir Pour appro- augmenté. Elle s’accompagne fréquemment d’une neu- fondir : Pertes normales et anormales en fer). tropénie et d’une thrombopénie ; – frottis : présence de macrocytes, de macro-ovalocytes, Les troubles de l’absorption une anisopoïkilocytose et des corps de Jolly ; L’anémie ferriprive peut révéler une malabsorption. – biopsie médullaire, habituellement inutile, elle confirme Suivant l’étiologie, différents mécanismes peuvent s’intri- le caractère mégaloblastique de l’anémie. quer pour concourir à l’anémie : saignements, syndrome inflammatoire ou même saturnisme dans les cas de Pica Identifiant la carence vitaminique (voir Pour approfondir : Pica). – la vitamine B12 sérique, – les folates sériques et erythrocytaires, Les autres anémies hypochromes d’origine – en présence d’une anémie mégaloblastique, la chute nutritionnelle de la vitamine B12 et/ou des folates confirme la carence, et il est rarement nécessaire de recourir à des tests plus Carence en cuivre sensibles basés sur l’évaluation des conséquences bio- Elle est exceptionnelle, on l’observe : chimiques de la carence, – dans certains cas d’alimentation parentérale prolongée, – dosage des métabolites sanguins : acide méthylmalo- – lors de prise excessive de zinc sous forme de supplé- nique et homocystéine. mentation (le zinc inhibe l’absorption du cuivre). Elle est évoquée devant l’association d’une neutropénie à l’ané- Différentiel mie dans un contexte évocateur et confirmée par l’effon- Il convient d’écarter : drement de la cuprémie et de la céruleoplasmine. – les macrocytoses sans anémie. Les causes les plus fré- quentes sont : l’alcoolisme, les pathologies hépatiques, Carence en vitamine B6 et l’hypothyroïdie ; Très rare, car la vitamine B6 est largement répandue dans – les mégaloblastoses iatrogènes avec les traitements l’alimentation. inhibant la synthèse de DNA (tels que le méthotrexate et Elle peut être liée à certaines prises médicamenteuses l’aminoptérine) et le triméthoprime, et toxiques, avec qui inhibent la vitamine B6 (INH, pénicillamine) ou dans l’exposition professionnelle au NO2. Les causes cumulées le cadre de malabsorption. Le diagnostic est confirmé peuvent induire rapidement une carence profonde (ex. par l’élévation de l’activité des transaminases érythrocy- méthotrexate + triméthoprime) ; taires associée à la baisse de la vitamine B6 et du pyri- – les maladies métaboliques avec mégaloblastose. Elles doxal 5 phosphate. sont rares et surtout le fait d’anomalies congénitales du métabolisme de la vitamine B12 et des folates ; – enfin, les anémies mégaloblastoïdes, et en particulier la Les anémies mégaloblastiques myélodysplasie du sujet âgé, qui requiert une analyse 95 % des anémies mégaloblastiques sont liées à une cytologique soigneuse ; l’anémie réfractaire simple ; l’ané- carence en vitamine B12, en acide folique ou à l’associa- mie sidéroblastique acquise ; la leucémie myélomonocy- tion des deux. taire chronique. Physiopathologie des anémies mégaloblastiques Etiologique (voir Pour approfondir : Physiopathologie des anémies mégalo- Carence en vitamine B12 blastiques) Défaut d’apport Le rapport des réserves de cobalamine aux besoins quo- tidiens est de 1 000 pour 1. Il est donc très rare de ren- Diagnostic contrer une carence en cobalamine strictement alimen- Clinique taire. Elle peut se voir : – les signes cliniques de l’anémie sont inconstants et fonc- Chez l’adulte tion de la vitesse d’installation de l’anémie : les signes sont En cas de régime strictement végétarien (sans lait ni œufs), mêmes exceptionnels pour la vitamine B12 dont la caren- très prolongé. En effet, la vitamine B12 n’est ni synthéti- ce ne se traduit par une anémie qu’au terme de plusieurs sée, ni stockée dans les plantes. Toutefois, même dans ce années ; l’apparition est lente pour la carence en vitamine cas, la carence en cobalamine n’est pas systématique. Les B12 ; la carence se manifeste par contre plus rapidement réserves sont basses, les mécanismes d’absorption sont pour les folates, en l’espace de quelques semaines) ; donc augmentés, ce qui permet de maintenir un état – l’atteinte muqueuse, avec une glossite atrophique clas- stable grâce à une absorption maximale de la vitamine sique ; B12 synthétisée dans le grêle par les bactéries et de celle – les signes neurologiques, qui comprennent des signes sécrétée dans la bile. Il faut un facteur associé, comme une périphériques touchant les voies longues dans la carence carence en fer qui entraîne une atrophie de la muqueuse en vitamine B12, à l’origine d’une neuropathie sensitive gastrique, pour que survienne la carence. distale et symétrique et d’une atteinte pyramidale, et des Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S152
  9. Anémies nutritionnelles à feuilles vertes (d’où d’ailleurs le nom de folate : folium = Chez l’enfant de mère végétarienne Leurs réserves sont faibles à la naissance et le lait de leur feuille en latin) et les salades ; viennent ensuite le foie, les mère est pauvre en vitamine B12. La carence survient s’ils fruits, les graines, les fromages fermentés et les œufs. Les sont également soumis à un régime végétarien, les folates étant très labiles, il faut tenir compte de la symptômes surviennent dans la première année de la vie décroissance de la teneur des aliments avec le stockage et sont principalement neurologiques : convulsion, retard et surtout la cuisson. Le rapport entre les réserves nor- psychomoteur qui n’est pas toujours réversible après trai- males et les besoins quotidiens étant de 100 pour 1, tement. c’est-à-dire moins élevé que pour la vitamine B12, la sen- sibilité du statut en folates vis-à-vis des apports est plus Défaut d’absorption grande que pour la vitamine B12. La digestion et l’absorption de la vitamine B12 liée aux ali- La carence en folates frappe plus particulièrement cer- ments passent par plusieurs étapes (voir Pour approfondir : taines populations : Digestion et absorption de la vitamine B12) : une malabsorption de – les adolescentes, quand les crudités sont peu repré- la vitamine B12 peut donc avoir différentes origines. sentées et la consommation énergétique totale volontai- rement réduite ; Anémie de Biermer – la femme enceinte, en particulier quand l’alimentation C’est la cause la plus fréquente de déficit en vitamine est peu variée car les besoins sont doublés ou triplés au B12 dans les pays occidentaux. Elle résulte du tarisse- cours de la grossesse. Un apport en folates insuffisant ment de la sécrétion du facteur intrinsèque par l’esto- avant la grossesse ou au cours des premiers mois aug- mac. Elle associe : mente le risque de défaut de fermeture du tube neural – des signes digestifs : atrophie gastrique avec achlorhy- (spina-bifida) ; drie ; – les sujets alcooliques, en raison de mécanismes conju- – des signes neurologiques de carence en vitamine B12 ; gués (diminution des apports et de l’absorption des – l’anémie est absente dans 35 % des cas, notamment en folates). Les alcools distillés sont toutefois en général cas de traitement intempestif par les folates. riches en acide folique, tandis que la bière et le vin n’en Le diagnostic repose sur : contiennent pas ; – la présence d’anticorps anti-facteur intrinsèque, ce – chez les sujets combinant les facteurs, tels que la prise signe très sensible n’est pas spécifique, mais la présence d’alcool, prise d’anticonvulsivants et infection intercur- d’anticorps associée à un déficit avéré en cobalamine rente ; assure le diagnostic, rendant inutiles les autres examens ; – le sujet âgé, en raison de l’alimentation peu diversifiée – le test de Schilling mesure la radioactivité urinaire après non rarement associée à une achlorhydrie gastrique. La ingestion de vitamine B12 marquée. Si moins de 10 % de carence peut alors entraîner des troubles de la mémoire la radioactivité ingérée est retrouvée dans les urines, un et aggraver ou simuler une démence sénile. deuxième test est réalisé en associant le facteur intrin- – chez l’enfant, la carence en folates peut se voir en cas sèque, ce qui augmente l’excrétion en cas d’anémie de d’apport de lait pauvre en folates comme le lait de chèvre. Bermer. Augmentation des pertes Les autres malabsorptions – hémodialyse, Dans ces cas, le test de Schilling classique peut être nor- – anémies hémolytiques et proliférations malignes. mal. Pour mettre en évidence la malabsorption, il faut faire ingérer la vitamine marquée avec un aliment comme Malabsorptions le jaune d’œuf (tableau IV). Les causes sont diverses : Une carence en folates peut se voir dans la plupart des – défaut d’acidité gastrique ou de pepsine : malabsorptions. Le diagnostic repose sur la démonstra- • gastrectomie ; tion de la maladie par des tests appropriés, tels que le • achlorhydrie ; test au D xylose, en sachant qu’une carence en folates • prise prolongée d’antacides ; peut induire une atrophie villositaire. – excès d’acidité duodénale : • Zollinger-Ellison ; – insuffisance pancréatique, Les anémies hémolytiques – atteinte iléale pariétale (voir malabsorptions), Les anémies hémolytiques d’origine nutritionnelle sont – parasitoses intestinales, notamment parasitoses intesti- exceptionnelles. Elles ne se voient que dans l’avitaminose nales où le parasite capte la cobalamine. E. Celle-ci s’observe chez le nouveau-né ou le prématuré, lorsqu’il existe des anomalies du transport des tocophé- Défaut de transport de la vitamine B12 rols. Cette affection rarissime se traduit ensuite par l’appa- Déficit en transcobalamine II qui lie la cobalamine dans le rition d’une neuropathie périphérique, réversible sous sup- plasma et la transporte dans les cellules. Ce déficit va se plémentation par la vitamine E. Elle est liée à une anomalie traduire chez l’enfant par une anémie mégaloblastique, de la protéine hépatique de liaison du tocophérol. associée à une susceptibilité accrue aux infections. Les symptomes neurologiques sont minimes. Les taux de vitamine B12 et de folates sont normaux, mais le test de Traitement Schilling est perturbé. Anémies par carence martiale Les carences en folates En dehors des rares cas où la prise de fer est contre-indi- Défaut d’apport quée par voie orale, le traitement se fait par administra- Dans la mesure où l’homme ne peut en effectuer la syn- tion per os de sels ferreux, mieux absorbés que les sels thèse en folates, les apports sont exclusivement d’origine ferriques. alimentaire. Les aliments les plus riches sont les légumes Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S153
  10. Anémies nutritionnelles La dose quotidienne est de 100 à 200 mg de fer métal Points essentiels à retenir par jour chez l’adulte et de 6 à 10 mg par kg et par jour chez l’enfant à partir de un mois. ➤ La carence martiale domine les anémies caren- Le traitement est mieux toléré lorsque le fer est pris lors tielles. Carence et même anémie sont rencontrées du repas, il vaut toutefois mieux éviter de prendre le fer quotidiennement dans la pratique médicale, et consti- en même temps que du fromage, du lait ou des produits tuent de ce fait un véritable problème de santé laitiers qui diminuent l’absorption de 30 à 50 %. publique. La prescription initiale doit être de deux mois, l’efficacité ➤ L’anémie microcytaire ne constitue que le stade étant contrôlée sur la numération-formule. Un taux d’hé- ultime de la carence. Cependant, que la carence en fer moglobine inférieur à 11 g/l après 1 mois de traitement soit compliquée d’anémie ou pas encore, la démarche doit faire évoquer plusieurs hypothèses : étiologique doit être menée de la même façon. – non-suivi de la prescription, les selles dans ce cas ne ➤ La majorité des carences martiales touche la femme ; sont pas noires ; les pertes d’origine gynécologique, qui représentent de – persistance d’une fuite sanguine ; très loin le premier mécanisme, sont trop souvent sous- – association non dépistée (thalassémie, carence en fola- estimées. tes ou en B12) ; ➤ Une anémie mégaloblastique doit faire rechercher – malabsorption du fer ; une carence en fer ou en folates. – infection intercurrente. ➤ Si les métabolismes de la vitamine B12 et des Deux semaines après l’arrêt du traitement, le contrôle de folates sont intriqués, c’est la carence spécifique qu’il la ferritine est souhaitable. Si le taux reste bas, la prolon- faut cependant traiter, seul garant de la protection gation du traitement pendant deux mois s’impose. neurologique dans la carence en vitamine B12. ➤ Une carence en vitamine B12 doit faire rechercher Carences en vitamine B12 et en folates une malabsorption, elle n’est pratiquement jamais liée Le traitement vitaminique a deux buts : corriger le déficit à un défaut d’apport isolé et les anomalies qui en résultent et prévenir la rechute. Il ne doit être commencé que lorsque l’on connaît la natu- re exacte de la carence vitaminique. En effet, l’anémie de la carence en cobalamine se corrige Pour approfondir partiellement avec l’apport de folates et vice versa, mais les anomalies neurologiques continuent d’évoluer. Physiopathologie de la carence en fer Carence en vitamine B12 Le fer est nécessaire à la phase finale de la synthèse intramito- La vitamine doit être administrée par voie parentérale, la chondriale de l’hème dans l’érythroblaste, sa carence va donc entraîner une anémie hypochrome. L’anémie n’apparaît carence étant presque toujours liée à une malabsorption. qu’après plusieurs mois de déséquilibre du bilan qui évolue en On peut utiliser soit de la cyanocobalamine, soit de l’hy- trois étapes ( figure 1) : droxocobalamine ; cette dernière est préférable, étant 1) déficit en fer : les stocks en fer du foie, de la rate et de la mieux liée aux protéines de liaison plasmatiques. moelle sont diminués. La ferritine qui reflète ces stocks est La posologie initiale est de 1 000 à 5 000 µg par jour ou basse (inférieure à 15 µg/l), à ce stade, les récepteurs de la tous les deux jours. Après correction des anomalies, un transferrine sont également augmentés par un mécanisme de traitement de maintenance par une injection mensuelle rétrocontrôle positif ; est nécessaire, il doit être maintenu à vie en cas d’anémie 2) diminution du transfert du fer aux hématies qui va se traduire par : de Biermer. – une diminution de la saturation de la transferrine (STF) (infé- rieure à 16 %), Carence en folates – une augmentation de la capacité totale de fixation du fer (CTF) (supérieure à 400 µg/100 ml), Deux formes sont disponibles, l’acide folique et sa forme – une augmentation des porphyrines libres érythrocytaires (PLE) réduite, l’acide folinique, ce dernier doit être réservé aux (supérieures à 70 µg/100 ml d’érythrocytes), cas où existe un blocage du métabolisme de l’acide 3) anémie, l’hémoglobine est inférieure à 12 g/l, le fer sérique est folique. Dans les autres cas, l’acide folique, moins coû- bas. teux, doit être préféré. Le traitement habituel consiste en l’administration per os Diagnostic biologique de la carence en fer de 5 mg/jour d’acide folique. En cas de malabsorption, Le dosage de la ferritine sérique est le seul test nécessaire pour l’administration se fera par voie parentérale. établir le diagnostic de carence en fer. Il s’agit en effet du test biologique courant permettant d’évoquer le plus précocement Suivi du traitement un appauvrissement des réserves tissulaires ; sa spécificité est Dans les deux cas, l’efficacité du traitement sera contrô- absolue, car une hypoferritinémie est le signe exclusif d’une lée sur la numération-formule qui se normalise après carence martiale. Sa sensibilité en revanche peut poser problè- me. Les situations sont en effet assez nombreuses où les résul- 8 semaines. tats du dosage de la ferritine posent des problèmes d’interpré- Une réponse incomplète doit faire évoquer une patholo- tation, et où une concentration de ferritine sérique peut être gie associée, la plus fréquente étant la carence martiale. normale, voire élevée quand la carence en fer n’est pas encore Il se peut aussi que les patients traités par une seule vita- compliquée d’anémie : mine aient une carence double, notamment en cas de – comparativement aux sujets adultes, le taux de ferritine n’est malabsorption. pas un aussi bon marqueur chez les nourrissons et les enfants, Le traitement étiologique doit être associé pour prévenir chez qui la mobilisation des réserves intervient trop lentement la rechute. Dans certains, cas comme l’anémie de Biermer, pour faire face aux besoins médullaires. Le coefficient de satu- le traitement doit être continué à vie, ce qui nécessite une ration en fer de la transferrine (et non pas du sérum) assure alors éducation du patient et de sa famille. un diagnostic assez précoce, avant l’installation de l’anémie. On Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S154
  11. Anémies nutritionnelles admet qu’un coefficient de saturation (qui est le rapport fer male (produits laitiers). Si le fer non héminique représente sérique/ capacité totale de fixation de la transferrine) inférieur à donc l’essentiel du fer alimentaire consommé en France (87 à 0,16 suggère une carence ; 90 %), sa biodisponibilité est bien plus faible que celle du fer – plusieurs pathologies interfèrent avec le taux de ferritine. Il héminique. Elle est en moyenne de 1 à 10 % et en général s’agit des inflammations et des infections au premier chef, pour inférieure à 5 % ; elle est toutefois fortement influencée par des raisons de fréquence ; elles sont à l’origine d’une séques- la composition du repas et l’état des réserves en fer. En effet, tration anormale de ferritine dans les macrophages ; les cancers le fer non héminique libéré des complexes auxquels il est lié aussi, où plusieurs facteurs peuvent être associés (invasion dans les aliments intègre un pool dans la lumière intestinale, tumorale, libération accrue de ferritine, cytotoxicité des médi- où il peut être réduit, chélaté, ou rendu insoluble. L’absorp- caments, épisodes infectieux ou inflammatoires itératifs, sai- tion est alors sous l’influence conjuguée de facteurs faciliteurs gnements, transfusions…) ; et les hépatopathies enfin, où la fer- ou inhibiteurs de l’absorption. C’est ainsi que les chairs ani- ritine peut être libérée dans le plasma par cytolyse. males et certains acides organiques, dont l’acide ascorbique Les situations diagnostiques difficiles doivent faire raisonner sur (vitamine C), augmentent l’absorption, tandis que les poly- un faisceau d’arguments concordants, plutôt que sur un seul cri- phénols dont les tannins, les phytates, les fibres cellulosiques, tère. Quand le doute persiste, deux possibilités s’offrent au cli- les phosphates, le calcium, et certains types de protéines nicien : soit attendre la normalisation du processus patholo- réduisent cette absorption. Ces éléments se retrouvent en gique interférant, dans la mesure du possible naturellement, particulier dans les aliments suivants : le thé, le café, le jaune soit compléter l’investigation biologique par des investigations d’œuf et le son. Les tannins du thé sont les plus puissants inhi- biologiques plus sophistiquées. Le dosage de la ferritine éry- biteurs de l’absorption du fer connus : dans le petit déjeuner throcytaire a été proposé car sa concentration est un bon reflet type en Occident, la consommation de thé est associée à une de l’équilibre entre l’apport de fer aux érythroblastes et le diminution de l’absorption du fer non héminique d’environ niveau d’hémoglobinosynthèse. Chez le nouveau-né, la ferriti- 60 %. L’influence des phytates et des fibres cellulosiques est ne érythrocytaire s’avère effectivement un bien meilleur reflet à prendre en considération, en raison de la promotion faite des réserves constituées in utero que la ferritine sérique. La dimi- pour la consommation de végétaux et de fibres dans l’« ali- nution de la concentration en ferritine érythrocytaire objective mentation santé ». Au total, en Occident, les produits carnés l’épuisement des réserves ; cette concentration n’est par contre représentent environ un tiers de l’apport total en fer et les pas influencée par les syndromes inflammatoires, ce qui fait céréales 20 à 30 % ; viennent ensuite les fruits et les légumes, tout l’intérêt de ce dosage. La seule limitation est celle d’une et encore après les racines et les tubercules amylacés. hémoglobinopathie. D’autres investigations ont été proposées L’absorption de fer est plus élevée chez la femme que chez (telles que les dosages des récepteurs solubles de la transferri- l’homme, et dans la grossesse. Enfin, l’absorption du fer non ne, de la protoporphyrine érythrocytaire, ou du lévulinate éry- héminique est influencée par le statut en fer de l’organisme : throcytaire), mais elles ne sont pas avérées utilisables en pra- des réserves faibles augmentent cette absorption. Les études tique clinique. isotopiques ont en effet montré que le coefficient d’absorp- tion est en moyenne de l’ordre de 10 à 12 % chez les hommes adultes ayant un statut en fer normal, et jusqu’à 15 Syndrome de Pica à 20 % avec le même type d’alimentation en situation de Ce syndrome résulte d’un trouble du comportement dont l’ori- carence en fer. Cependant, ce phénomène compensatoire gine demeure mystérieuse. Il s’agit d’un appétit anormal pour est limité. l’amidon (amylophagie), la glace (pagophagie) ou l’argile (géo- phagie). L’amidon et l’argile peuvent lier le fer au niveau du Pertes normales et anormales en fer tube digestif, avec pour double conséquence possible une carence en fer et une augmentation de l’absorption intestinale La médiane des pertes menstruelles est de 25 à 30 ml/mois, ce du plomb. La toxicité du plomb est en partie liée à l’arrêt de la qui correspond à des pertes en fer de 12,5 à 15 mg/mois, soit, synthèse de l’hème dans les tissus neuraux, processus favorisé rapporté à la journée, 0,4 à 0,5 mg/jour qui viennent s’ajouter par la carence en fer. aux pertes basales habituelles (ces dernières ont pu mesurer directement par méthode isotopique à 14 mg/kg/jour, soit 0,9 à 1 mg/jour, dont 2/3 au niveau du tractus intestinal). Cepen- Apports alimentaires en fer et biodisponibilité dant, il existe des écarts importants : 10 % des femmes ont des L’originalité du métabolisme du fer tient au fait qu’il s’effectue pertes menstruelles de plus de 80 ml/mois ; s’agissant des pratiquement en circuit fermé. pertes quotidiennes totales en fer, 50 % des femmes ont des En effet, le fer ayant servi à la synthèse de l’hémoglobine est pertes > 1,3 mg, 10 % > 2,1 mg, et 5 % > 2,4 mg. De nombreux récupéré après la destruction des globules rouges (qui libère facteurs influencent le volume des règles, parmi lesquels l’hé- chaque jour 20 mg de fer), puis est réutilisé pour la formation rédité, la masse corporelle, l’adiposité, la parité et surtout les des hématies. Aussi, pour un pool corporel total de 4 g chez méthodes contraceptives : les contraceptifs oraux peuvent l’homme et de 2,5 g/l chez la femme, les pertes quotidiennes diminuer de 50 % le volume des règles, tandis que les disposi- de fer ne représentent normalement que 1 à 2 mg, soit un rap- tifs intra-utérins peuvent l’augmenter d’un facteur 2. Ainsi, port de 1 000 à 4 000 pour 1. Cette faible dépendance envers nombre de filles ou de femmes ont des pertes en fer 2 fois plus l’extérieur en temps habituel est cependant critique quand les importantes que dans le sexe masculin. Les pertes sanguines pertes sont accrues ou quand les besoins sont augmentés et pathologiques ont généralement d’origine digestive. Elles sont que l’alimentation n’assure pas la compensation : il en résulte souvent insidieuses. Les symptômes sont alors seulement en nécessairement un déséquilibre de la balance en fer. rapport avec l’anémie. Les causes les plus fréquentes sont les Le fer alimentaire existe sous deux formes : le fer héminique ulcères, la gastrite, les hémorroïdes, les angiodysplasies et les et le fer non héminique. Le fer héminique est incorporé dans tumeurs bénignes et malignes du côlon. Si les hémorroïdes et la structure de l’hémoglobine, la myoglobine, et d’enzymes la prise de salicylates sont souvent responsables de la présence hémoprotéiques ; il est présent seulement dans les produits de sang dans les selles, ils rendent rarement compte d’une carnés. La biodisponibilité est d’environ 25 % ; elle est peu déperdition significative. Chez environ 15 % des patients ayant influencée par les différents constituants du repas et les un saignement digestif documenté, l’origine demeure incon- réserves en fer. Le fer héminique représente au total 10 à nue, même après les investigations radiologiques et endosco- 13 % du fer alimentaire consommé en France. Le fer non piques. Restent alors à discuter les infections parasitaires et, en héminique est présent dans des enzymes non héminiques et particulier, l’ankylostomiase en zone tropicale, mais aussi tri- dans les formes de transport (par la transferrine) et de réserve ; chocéphalose et bilharziose, les télengiectasies héréditaires les sources sont essentiellement des aliments d’origine végé- (maladie de Rendu-Osler), et les troubles de la coagulation et tale (céréales, légumes secs, fruits), mais aussi d’origine ani- de la fonction plaquettaire. Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S155
  12. Anémies nutritionnelles Physiopathologie des anémies mégaloblastiques atrophie villositaire (ce qui est source de confusion avec l’atro- phie causale de la malabsorption en vitamine B12, qu’elle vient Les anémies mégaloblastiques sont définies par une anomalie donc encore aggraver) et une dysplasie cellulaire repérable aux de synthèse de l’ADN. Ce sont les cellules à renouvellement frottis vaginaux (frottis de stade IV). rapide qui sont affectées en premier lieu, et en particulier les précurseurs hématopoïétiques et les cellules épithéliales diges- Digestion et absorption de la vitamine B12 tives. La division des cellules est ralentie, mais le développe- ment du cytoplasme demeure normal ; ceci rend compte de – Au niveau de l’estomac : l’acidité gastrique et la pepsine libè- l’accroissement de taille. Les cellules érythroïdes mégaloblas- rent la vitamine B12 de ses liaisons protidiques avec les aliments, tiques médullaires sont fragiles et détruites en grand nombre, elle est ensuite liée à une haptocorrine d’origine salivaire. caractérisant une érythropoïèse inefficace. Les anémies méga- – Au niveau du grêle ; le pH alcalin permet aux enzymes pan- loblastiques font intervenir une carence en vitamine B12, en créatiques de dégrader l’haptocorrine et de libérer la cobala- folates, ou l’association des deux. Elle résulte du blocage du mine alimentaire et biliaire, permettant sa liaison avec le facteur thymidilate (thymidine monophosphate) qui nécessite en effet intrinsèque dans le duodénum. Le complexe vitamine B12-fac- à la fois de la vitamine B12 et des folates. Les conséquences teur intrinsèque passe ensuite dans l’iléon où sont situés les sont donc une mégaloblastose pour la moelle, mais aussi une récepteurs du facteur intrinsèque. → → → carence infra-clinique carence mineure carence majeure anémie carentielle fer médullaire ↓ ferritine ↓ ferritine ↓ ferritine ↓ ferritine ↓ ↓ coef. saturation ↓ coef. saturation ↓ coef. saturation ↓ ↓ TCMH ↓ TCMH ↓ transferrine ↑ transferrine ↑ ferritine érythro. ↓ ferritine érythro. ↓ ↓ fer sérique ↓ hémoglobine ↓ VGM ↓ Figure 1 De la carence en fer à l’anémie : déroulement chronologique Pour en savoir plus CNERNA-CNRS, Martin A. coordonnateur. - Apports nutrition- Galacteros F., Goldcher A. - Les anémies hypochromes microcy- nels conseillés pour la population française, 3e éd. Tec et Doc, Paris, taires. Encycl. Med. Chir. (Paris-France), Sang 13003 A10, 3- 2001. 1989; 16 p. Zittoun J., Potier de Courcy. - Acide folique. Encycl. Méd. Chir. Hématologie et oncologie. In : Principes de médecine interne. (Elsevier, Paris), Hématologie, 13-001-G-10, Endocrinologie- Harrison T.R. Médecine-Sciences, Flammarion, Paris, 1992; Nutrition, 10-550-A-10, 1996; 4 p. 1491-645. Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S156
  13. Nutrition et insuffisance rénale Nutrition et insuffisance rénale régime basé sur les besoins énergétiques et pro- Points à comprendre téiques de chaque patient. La compliance au traite- ment et le maintien d’un état nutritionnel optimal doi- Physiopathologie vent être surveillés régulièrement. Le succès de ce régime permet la réduction des symptômes liés à de l’insuffisance rénale l’urémie et aux complications métaboliques et ralentit La dénutrition protéique et énergétique est fréquente la progression de l’insuffisance rénale. Parmi les chez les patients en insuffisance rénale chronique (IRC) et mesures diététiques préconisées, la restriction proti- contribue de façon significative au taux élevé de morbi- dique à 0,6-0,7 g/kg/j doit être recommandée au mortalité observé chez ces patients. Le rein est un orga- stade précoce de l’IRC, sans pour autant apporter une ne qui participe à l’homéostasie de l’organisme, non seu- alimentation restrictive. Le risque majeur de ce type de lement par ses fonctions excrétrices, mais aussi par ses régime mal surveillé, ainsi que l’absence de toute prise propriétés importantes de synthèse (vitamine D, érythro- en charge diététique, est la dénutrition qui est un fac- poïétine) et de dégradation. teur de mauvais pronostic chez l’insuffisant rénal arrivé Un des plus grands indicateurs cliniques d’insuffisance au stade terminal. rénale avancée est la baisse de l’appétit. Cette anorexie Les autres mesures diététiques visent à limiter les consé- s’aggrave avec le déclin de la fonction rénale et peut être quences métaboliques de l’IRC, et sont la prévention de provoquée par l’accumulation de toxines urémiques, la l’hyperkaliémie, la correction de l’acidose et la lutte présence de facteurs co-morbides (diabète), les troubles contre l’hyperparathyroïdie secondaire par une supplé- digestifs, les complications aiguës nécessitant souvent mentation calcique précoce et un régime pauvre en phos- une hospitalisation (chirurgie, infection) et des facteurs phore. L’état clinique et métabolique du patient au socio-économiques défavorables. moment où il aborde l’insuffisance rénale terminale L’acidose métabolique, présente régulièrement en insuf- détermine en grande partie le pronostic et la qualité de fisance rénale avancée, favorise la dénutrition en stimu- vie ultérieurs. lant le catabolisme protéique. Dans un certain nombre de cas, un traitement par dialyse Les perturbations hormonales, comme l’insulino-résistance, ou une transplantation rénale seront nécessaires pour la résistance à l’hormone de croissance, l’hyperglucago- remplacer la fonction rénale défaillante. De nouveaux némie et l’hyperparathyroïdie, peuvent également favo- régimes seront prescrits, variables selon les techniques riser les altérations nutritionnelles chez ces patients. Ces de dialyse ou au cours de la transplantation. Enfin, en cas anomalies de régulation hormonale sont à l’origine des de dénutrition importante, des supports nutritionnels manifestations osseuses (ostéosclérose), l’intolérance au peuvent être proposés. glucose, l’hyperlipidémie et l’anémie du patient urémique. De plus, le traitement par épuration extra-rénale au stade d’insuffisance rénale terminale entraîne la perte de A savoir absolument nutriments (acides aminés, glucose, protéines et vita- mines) au cours des séances de dialyse, et nécessite une adaptation des recommandations nutritionnelles. Limiter les apports protéiques pour retarder la dégradation Principes de la prise néphronique en charge nutritionnelle De nombreux travaux ont montré que l’hyperfiltration La prise en charge nutritionnelle des patients en insuf- aggravait la fonction rénale. Parmi les facteurs qui entre- fisance rénale chronique nécessite la prescription d’un tiennent ou déclenchent l’hyperfiltration glomérulaire, les Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S157
  14. Nutrition et insuffisance rénale protéines alimentaires sont au premier plan, quel que soit Tableau I Parcours nutritionnel de l’insuffisant rénal chronique leur mode d’administration (voie orale ou perfusion d’acides aminés). En revanche, une restriction en pro- Pré-dialyse Hémodialyse Dialyse péritonéale Greffe* Greffe téines diminue cette hyperfiltration et les lésions histolo- giques rénales et ralentit par conséquent la progression Protéines 0,6-0,7 1,2 1,3 et jusqu’à 1,4 0,8 de l’insuffisance rénale. (g/kg/j) 1,5 et jusqu’à Ces restrictions protéiques ont été prescrites chez Calories 30-35 35 35 et jusqu’à 30-35 30-35 l’homme depuis 1930 (régime à base de blancs d’œufs, (kcal/kg/j) pommes de terre, auxquels on avait retiré viande, pois- * 3 premiers mois son et laitage). Depuis fin 1990, des études mieux conduites ont permis de penser avec suffisamment d’évidence qu’il faut limiter les apports protéiques à Limitation des apports 0,6-0,7 g/kg/jour au cours de l’insuffisance rénale, et cela doit être instauré au stade précoce de l’insuffisance en phosphore rénale (clairance de la créatinine inférieure à 50 ml/min) et poursuivi jusqu’au stade de la dialyse. Il est important L’hyperphosphorémie se rencontre surtout au cours de de noter qu’il ne s’agit pas d’une restriction sévère, l’insuffisance rénale avancée. Celle-ci est due à une baisse mais d’un ajustement aux apports recommandés pour de l’excrétion urinaire de phosphore qui est le résultat de une population adulte en bonne santé. Il faut noter éga- la diminution du débit de filtration glomérulaire. Au cours lement que les apports énergétiques minimums recom- de l’insuffisance rénale progressive, l’excrétion rénale du mandés sont de 30-35 kcal/kg/j pour maintenir une phosphore est assurée par les glomérules sains restants. balance azotée nulle ou légèrement positive. On s’aper- Ainsi, quand l’insuffisance rénale progresse et le nombre çoit vite en prescrivant ce régime que les patients ont de néphrons sains diminue, l’homéostasie ne peut plus tendance à réduire globalement leurs apports (pro- être assurée et l’hyperphosphorémie s’installe. Les consé- téique et calorique). Il est donc nécessaire, dès lors quences de l’hyperphosphorémie sont nombreuses : qu’on prescrit cette restriction protéique, d’assurer la – elle aggrave l’hypocalcémie, qui est déjà présente en surveillance diététique de ces patients. Les entretiens insuffisance rénale, en diminuant la synthèse de vitamine D diététiques doivent être répétés et doivent comporter active, diminue l’absorption intestinale de calcium, induit des enquêtes alimentaires (les enquêtes faites sur 3 la précipitation de calcium, favorisant ainsi les calcifica- jours incluant un jour de week-end donnent les tions métastatiques (vasculaire, pulmonaire, rénale, car- meilleurs résultats), répétées au début pour qu’il y ait diaque, musculaire, oculaire, etc.) ; une bonne compréhension entre le diététicien et le – la prévention et le traitement de l’hyperphosphorémie patient, puis semestrielle. On pourra ainsi apprécier sont donc un point essentiel de la prise en charge de l’in- l’évolution des apports caloriques au fil du temps, afin suffisant rénal chronique. Il faut limiter l’apport de phos- de corriger toute dérive au régime, la tendance étant à phore qui doit se situer autour de 900 mg/j. En pratique, une diminution progressive et spontanée des apports il est très difficile de réduire l’apport alimentaire en phos- énergétiques. Les apports protéiques pourront être esti- phore à moins de 700 mg/j. La restriction protidique prescrite au cours de l’IRC aide à réduire l’apport en més par l’enquête alimentaire et vérifiés par la mesure phosphore. Les mesures diététiques sont souvent insuffi- de l’urée urinaire de 24 heures à l’aide de l’approxima- santes pour assurer un équilibre phospho-calcique adé- tion suivante : quat et dans ces circonstances l’apport d’un médicament apport protéique de 24 heures (grammes) = inhibant l’absorption du phosphore (carbonate de cal- urée urinaire (mmol/24 h) /5. cium) s’avère nécessaire. Les gels d’Alumine, qui ont été En pratique, l’apport protéique recommandé avant dia- longtemps utilisés à cet effet, ne sont plus prescrits en lyse étant de 0,6-0,7 g/kg/jour, chez les patients qui première intention, du fait de leurs effets secondaires à débutent ce régime et ayant l’habitude de consommer type de constipation, intoxication aluminique avec ostéo- de grosses portions de protéines, on pourra réaliser cette malacie, encéphalopathie, anémie, etc. Actuellement, restriction protéique en deux temps, en commençant une nouvelle classe de chélateurs de phosphore sans cal- d’abord par 0,9 g/kg/jour, voire 1 g/kg/jour, avant d’at- cium (Rénagel®), non absorbée au niveau intestinal, est teindre, dans un second temps, l’objectif final. Il faut sou- disponible dans l’arsenal thérapeutique. ligner, au cours de ce régime, l’importance de la qualité des protéines qui doit être de haute valeur biologique, en diminuant le pourcentage de protéines végétales, au Limitation des apports profit des protéines animales pour couvrir l’apport en acides aminés indispensables. en potassium Chez les patients en dialyse chronique, l’état clinique souvent altéré de ces patients au début du traitement, le L’hyperkaliémie apparaît au stade tardif de l’insuffisance rythme des séances de dialyse, imposent des besoins rénale, mais celle-ci peut être plus précoce chez les nutritionnels spécifiques, d’autant plus que la dialyse elle- patients diabétiques (qui peuvent avoir un syndrome même peut aggraver l’état de dénutrition préexistant en d’hyporéninisme hypoaldostéronisme) et chez les augmentant la perte de nutriments (notamment d’acides patients traités par inhibiteurs de l’enzyme de conversion aminés) et en entraînant une inflammation chronique. de l’angiotensine, d’antagoniste de l’angiotensine II ou L’apport protéique recommandé chez les patients en par des diurétiques antikaliurétiques. Elle est également hémodialyse est de 1,2 g/kg/j, et en dialyse péritonéale constante chez les patients atteints d’acidose tubulaire il est de 1,3 jusqu’à 1,5 g/kg/j (50 % de protéines de de type IV. Une hyperkaliémie constatée en dehors de haute valeur biologique). L’apport énergétique minimum ces circonstances à un stade précoce de l’IRC (créatinine conseillé est de 35 kcal/kg/j (tableau I). aux alentours de 200 µmol/l) doit faire rechercher Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S158
  15. Nutrition et insuffisance rénale l’absorption en grande quantité de sels de régime. Cette risque d’hypercalcémie et d’inhibition importante de la hyperkaliémie, de par ses conséquences sur l’activité sécrétion de PTH, conduisant ainsi à un os adynamique. électrique cardiaque, peut être menaçante pour la vie de L’utilisation de ces analogues doit être également pruden- ces patients (troubles de conduction à type de bloc de te au cours de l’IRC avancée, car ils peuvent aggraver l’hy- branche jusqu’à la tachycardie ventriculaire, la fibrillation perphosphorémie et augmenter le risque de calcifications ventriculaire et l’arrêt cardiaque). métastatiques en élevant le produit phosphocalcique. Si L’apport normal de potassium se situe à environ 5 g/jour ; l’administration de carbonate de calcium est insuffisante il faudra diminuer au moins de moitié, à 2-2,5 g de potas- pour maintenir la calcémie normale, il faut ajouter des déri- sium par jour, pour obtenir une kaliémie < 5 mmol/l. Pour vés actifs de la vitamine D (un-alfa® ou Rocaltrol®) à des cela, il faut : doses croissantes, sous surveillance biologique régulière – réduire la consommation de certains aliments riche- de la calcémie et de la phosphorémie qui ne doit pas être ment concentrés en potassium (légumes secs, fruits secs, trop élevée. Idéalement, la calcémie doit être supérieure à fruits oléagineux, pommes de terre frites ou cuites à la 2,2 mmol/l et la phosphorémie inférieure à 1,5 mmol/l. vapeur, chocolat) (tableau II), – sélectionner les fruits et légumes les moins riches en K+, – privilégier la cuisson à l’eau, le trempage dans un grand Correction de l’anémie volume d’eau au moins 2 heures. L’anémie est pratiquement constante au cours de l’IRC. Si le régime n’est pas suffisant, on s’aide par des médi- Son installation est progressive et, de ce fait, elle est relati- caments chélateurs de potassium (Kayexalate®). vement bien tolérée, malgré des taux d’hémoglobine attei- Cas particulier : lorsque l’on constate la présence d’une gnant 80 g/l ou moins chez l’IRC avancé. L’anémie de l’IRC hyperkaliémie associée à une acidose métabolique, ce est essentiellement liée à une insuffisance de production qui est chose fréquente en insuffisance rénale, le trai- médullaire par suite d’un défaut d’érythropoïétine. Le rein tement peut comporter l’apport de bicarbonate sous est en effet le site principal de la production de cette hor- forme d’eau de Vichy pour corriger ces deux troubles. mone, indispensable à la maturation de la lignée érythro- cytaire. Une diminution de la durée de vie des hématies Tableau II due à divers toxines urémiques circulantes intervient éga- Aliments riches en potassium lement dans la genèse de l’anémie de l’IRC. Cette anémie peut être majorée par une spoliation sanguine (prélève- Aliments Teneur moyenne en mg pour 100 g ments sanguins trop fréquents, hémorragies digestives Légumes crus 270 mg (concombre : 150 mg, fenouil cru : 473 mg) occultes, favorisée par des troubles de l’hémostase). Elle cuits 220 mg (chou vert cuit : 99 mg, blettes cuites : 473 mg) joue un rôle important dans l’altération de l’état général secs 320 mg (lentilles cuites : 276 mg, des insuffisants rénaux. Elle entraîne une asthénie chro- haricots blancs cuits : 460 mg) nique, une dyspnée d’effort, parfois des manifestations Pommes de terre 530 mg (pommes dauphines : 147 mg, chips : 1 190 mg) coronariennes ou vasculaires périphériques. Le seul traite- Fruits secs 975 mg (dattes : 677 mg, abricots secs : 1 520 mg) Fruits oléagineux 700 mg (noix : 480 mg, pistaches : 1 050 mg) ment efficace de l’anémie de l’IRC est l’administration Avocat 520 mg d’érythropoïétine recombinante. Ce traitement peut être Châtaigne 500 mg envisagé en prédialyse si l’anémie est importante ou mal Fruits frais 220 mg (myrtilles : 68 mg, bananes : 385 mg) tolérée, en particulier chez le coronarien et le sujet âgé. En Cacao 1 920 mg revanche, il faut rechercher régulièrement des facteurs sur- Chocolat 365 mg ajoutés tels que les saignements occultes, d’autant plus Farine de soja 1 740 mg suspectés que la ferritinémie est basse, une carence en Ketchup 480 mg folates, un syndrome inflammatoire. Potage 130 mg (poireaux/pommes de terre : 125 mg, L’usage de l’érythropoïétine pour améliorer l’état nutri- velouté de tomates : 140 mg) tionnel des patients en insuffisance rénale chronique est en cours d’évaluation. Il est envisageable qu’une amélio- Supplémentation en calcium ration de l’activité physique faisant suite à l’augmentation et 1,25-dihydroxy D3 de l’hématocrite fasse élargir les apports alimentaires des patients et ainsi améliorer leur état nutritionnel. Le traitement précoce des troubles phosphocalciques permet de prévenir le développement d’une hyperplasie sévère des glandes parathyroïdiennes qui pourrait deve- Les supports nutritionnels nir réfractaire au traitement. Comme l’absorption intesti- nale de calcium est altérée en insuffisance rénale chro- Un support nutritionnel peut être apporté par voie enté- nique, il est nécessaire d’apporter une supplémentation rale ou parentérale. Le déficit énergétique alimentaire en calcium d’au moins 1 g/j. Malheureusement, les pro- peut être amélioré par des suppléments oraux. En effet, duits laitiers, qui sont une source importante de calcium, il a été montré qu’un apport énergétique sous forme de sont également riches en phosphore et protéines. La res- polymère de glucose administré pendant six mois pou- triction en protéines est responsable d’une insuffisance vait augmenter le poids (+ 3 kg) et améliorer la composi- d’apport en calcium (ration quotidienne de 50 g de pro- tion corporelle (+ 1 kg de masse maigre) de patients en téine = 650 mg de calcium). hémodialyse par rapport à ceux qui recevaient une ali- Une supplémentation médicamenteuse est donc indis- mentation normale non supplémentée. pensable. L’utilisation de carbonate de calcium permet, Le support nutritionnel peut être également apporté par outre l’apport de calcium, de chélater le phosphore. L’uti- voie parentérale, soit intraveineuse, soit intrapéritonéale. lisation d’analogues de la vitamine D n’est pas recom- Bien qu’aucune étude prospective randomisée de puis- mandée en première intention au cours de l’insuffisance sance suffisante ait montré un bénéfice formel, la nutrition rénale chronique débutante ou modérée, du fait du perdialytique intraveineuse représente une option théra- Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S159
  16. Nutrition et insuffisance rénale peutique intéressante à plusieurs points de vue : le traite- Points essentiels à retenir ment est effectué au cours de la séance (la solution est administrée sur la ligne veineuse) de dialyse, sans dépla- Différents types de régimes seront proposés aux cement supplémentaire du patient et le prescripteur est patients porteurs de maladies rénales. Au stade d’in- sûr que le traitement est bien pris par le patient. En suffisance rénale modérée, alors que le patient ne se revanche, cette technique entraîne un surcoût, et parfois sent pas malade, il sera parfois difficile de faire accep- diverses anomalies métaboliques chez certains patients ter des modifications importantes du comportement (hypoglycémie, frissons, nausées, vomissements, etc.). De alimentaire, qui pourtant peuvent repousser significati- plus, les patients qui ont une albuminémie comprise entre vement l’échéance de la dialyse. Afin d’éviter qu’une 34-40 g/l n’ont pas de bénéfice thérapeutique de la nutri- dénutrition ne s’installe, une équipe de diététiciennes tion perdialytique. Généralement, il faut toujours privilé- doit encadrer le patient à l’aide d’entretiens diété- gier la renutrition orale avant d’engager un traitement tiques réguliers, afin de dépister la dénutrition de façon intraveineux. Dans une étude, en dialyse péritonéale, l’ad- précoce, et très vite intervenir par une correction des ministration d’une solution d’acides aminés intrapérito- apports nutritionnels et un bilan médical adapté. néale pendant 20 jours a entraîné une nette amélioration La prise en charge nutritionnelle de l’insuffisance rénale du bilan azoté. chronique comporte plusieurs facettes (fig. 1). Au cours de la progression de l’insuffisance rénale chronique et avant le stade terminal, des études de bonne qualité Les facteurs de croissance méthodologique ont montré des bénéfices d’une res- Actuellement, des travaux sur des associations de facteurs triction protéique modérée de 0,6 à 0,7 g/kg/j. Au trophiques en complément de la renutrition sont en cours stade de la dialyse, les événements cataboliques nom- de réalisation. En effet, au cours de l’IRC, il existe un état breux que rencontrera le patient doivent faire entre- de résistance aux facteurs anaboliques qui permettent le prendre une surveillance précise de la qualité de dialy- maintien permanent d’une masse protéique adéquate se, du poids des patients et des marqueurs cliniques et (hormone de croissance, insulin like growth factor-1 ou IGF- biologiques dans lesquels l’anthropométrie garde toute 1). Le bénéfice de l’utilisation de l’hormone de croissance sa place. Lorsqu’un état de dénutrition s’installe, un trai- pour le traitement du retard de croissance chez les enfants tement agressif doit être instauré dès que possible, en insuffisants rénaux a déjà été démontré. Chez l’adulte, des recherchant les causes d’anorexie d’une part, et en études cliniques pilotes d’administration de facteurs tro- débutant des suppléments oraux. Ce n’est que plus phiques réalisées chez des patients en dialyse chronique ou tard, après l’échec de ces tentatives, qu’il faudra envi- atteints d’insuffisance rénale préterminale ont montré un sager le soutien parentéral et l’utilisation de facteurs de effet bénéfique sur leur composition corporelle. croissance encore au stade préliminaire. Retarder la réduction néphronique* Restriction protidique : 0,6-0,7 g/kg/j Lutte contre les troubles phospho-calciques Apports protéiques différents : et prévention de l’ostéodystrophie rénale Hémodialyse : 1,2 g/kg/j – Réduire les apports en phosphore DP : 1,3-1,5 g/kg/j – Supplémentation en calcium et vitamine D Moyens : diététique, médicaments Lutte contre l’hyperkaliémie – Limiter les apports en potassium Insuffisance rénale chronique Moyens : diététique, médicaments Traitement des dyslipidémies Moyens : diététique, médicaments Traitement de l’anémie Lutte contre la dénutrition – Apport énergétique adéquat (< 60 ans : 35 kcal/kg/j, >60 ans : 30 kcal/kg/j) Moyens : • entretiens et conseils diététiques réguliers • supports nutritionnels • facteurs de croissance ? – Correction de troubles métaboliques (correction de l’acidose métabolique) – Dialyse adéquate Figure 1 Principes de la prise en charge nutritionnelle de l’insuffisance rénale chronique DP = dialyse péritonéale ; * avant le stade de dialyse Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S160
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