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L’ironie, un cocktail dialogique?

Chia sẻ: Kethamoi Kethamoi | Ngày: | Loại File: PDF | Số trang:16

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L’ironie fait partie, à l’instar de la métaphore, de ces plus vieux objets linguistiques du monde qui stimulent la réflexion sans jamais l’épuiser. Le présent article entend éclairer quelques aspects de son fonctionnement à partir de la notion heuristique de dialogisme. Notre hypothèse est que l’ironie est un fait dialogique discursif: il consiste en l’interaction spécifique de deux discours. Après avoir établi le fonctionnement dialogique de l’énoncé ironique, nous explicitons sa particularité qui nous semble tenir à l’association de trois ingrédients - (i) l’implicite de l’interaction dialogique, (ii) la discordance avec le cotexte et /ou le contexte, (iii) le jeu de l’énonciation - dont aucun ne lui appartient en propre. Ces trois éléments, à l’œuvre dans l’ironie, sont présents mais séparément dans d’autres tours, actes de langage, ou types de discours: discours rapporté, allusion, énoncé paradoxal, mensonge, énoncé hypocoristique notamment. Ils font ici l’objet d’un assemblage qui nous fait définir l’ironie comme un cocktail dialogique. Cette hypothèse sera développée à partir d’un corpus d’exemples authentiques pris dans différents genres du discours.

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Nội dung Text: L’ironie, un cocktail dialogique?

VNU Journal of Science, Foreign Languages 27 (2011) 147-162<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> L’ironie, un cocktail dialogique?<br /> <br /> Jacques Bres*<br /> Praxiling, UMR 5267 CNRS-Montpellier III<br /> Received 9 August 2011<br /> <br /> <br /> Résumé. L’ironie fait partie, à l’instar de la métaphore, de ces plus vieux objets linguistiques du<br /> monde qui stimulent la réflexion sans jamais l’épuiser. Le présent article entend éclairer quelques<br /> aspects de son fonctionnement à partir de la notion heuristique de dialogisme. Notre hypothèse est<br /> que l’ironie est un fait dialogique discursif: il consiste en l’interaction spécifique de deux discours.<br /> Après avoir établi le fonctionnement dialogique de l’énoncé ironique, nous explicitons sa<br /> particularité qui nous semble tenir à l’association de trois ingrédients - (i) l’implicite de<br /> l’interaction dialogique, (ii) la discordance avec le cotexte et /ou le contexte, (iii) le jeu de<br /> l’énonciation - dont aucun ne lui appartient en propre. Ces trois éléments, à l’œuvre dans l’ironie,<br /> sont présents mais séparément dans d’autres tours, actes de langage, ou types de discours: discours<br /> rapporté, allusion, énoncé paradoxal, mensonge, énoncé hypocoristique notamment. Ils font ici<br /> l’objet d’un assemblage qui nous fait définir l’ironie comme un cocktail dialogique. Cette<br /> hypothèse sera développée à partir d’un corpus d’exemples authentiques pris dans différents<br /> genres du discours.<br /> Mots-clefs: Ironie, dialogisme, énonciation, antiphrase.<br /> <br /> <br /> <br /> [l’ironie] on y entend deux voix, deux sujets qu’il exerce. Il s’agira dans cette recherche non<br /> (celui qui dirait cela pour de bon et celui qui de rendre à la raison linguistique l’ironie -<br /> parodie le premier). (Bakhtine 1959/ 1984: 316) quelle prétention! - mais de tenter d’éclairer<br /> quelques aspects de son fonctionnement à partir<br /> de la notion heuristique de dialogisme.<br /> 1. Préliminaires et hypothèse*<br /> Pour commencer, dessinons le cadre de<br /> L’ironie fait partie, à l’instar de la notre travail:<br /> métaphore, de ces plus vieux objets (i) Les terres de l’ironie sont vastes, voire<br /> linguistiques du monde qui stimulent la sans limites. P. Schoentjes les classe en quatre<br /> réflexion sans jamais l’épuiser: depuis Platon, domaines: ironie socratique, ironie de situation,<br /> Aristote, Quintilien, l’ironie est un objet de ironie verbale, ironie romantique (2001: 26). Il<br /> recherche qui traverse les âges… sans prendre ne sera traité ici, pour l’essentiel, que de l’ironie<br /> une ride. C’est dire l’épaisseur discursive qui verbale(1). Précisons en outre qu’on s’attachera<br /> entoure ledit objet, épaisseur qui ne me à décrire ce phénomène dans son<br /> dissuade cependant pas de céder à l’attraction ______<br /> ______ (1)<br /> Nous entendrons par là l’ironie de l’énoncé quotidien,<br /> *<br /> Tel: +33688818155 qui concerne la dimension verbale mais également les<br /> E-mail: jacques.bres@univ-montp3.fr dimensions paraverbale et non verbale du phénomène.<br /> <br /> 147<br /> 148 J. Bres / VNU Journal of Science, Foreign Languages 27 (2011) 147-162<br /> <br /> <br /> <br /> fonctionnement linguistico-énonciatif, sans Dans le cadre de cet article, il n’est pas<br /> accorder toute leur place aux faits pragmatiques possible de situer l’hypothèse dialogique dans sa<br /> et interactifs que le discours ironique met en jeu. relation interdiscursive avec les différentes<br /> (ii) Les travaux sur la seule ironie verbale sont approches explicatives, qu’elle ne manque pas de<br /> nombreux, voire innombrables, et… un peu rencontrer. Nous faisons le choix de ne présenter -<br /> comme la mer, « toujours recommencé(s) ». Un trop brièvement - que la première, la plus partagée,<br /> parcours de la littérature en la matière, qui traite l’ironie comme un fait rhétorique (point<br /> certainement non exhaustif, permet de 2.) Dans un second temps, sera développée, plus<br /> distinguer trois grandes approches, selon longuement, l’explication dialogique (point 3.), en<br /> lesquelles l’ironie apparaît comme un phénomène: appui sur un corpus d’occurrences<br /> conversationnelles, journalistiques et littéraires.<br /> - Rhétorique: l’ironie comme trope<br /> (Dumarsais 1729) ou comme figure (Fontanier<br /> 1830), approche qui est celle de la stylistique, 2. L’approche rhétorique: l’ironie comme<br /> récemment réactualisée dans les cadres de la trope ou comme figure de pensée<br /> pragmatique (Grice 1975/1979; Kerbrat- antiphrastique<br /> Orechioni 1978, 1980, 1986); c’est aussi celle<br /> de Freud dans Le mot d’esprit et ses rapports La rhétorique considère l’ironie comme un<br /> avec l’inconscient; trope ou comme une figure de pensée. En tant<br /> - Argumentatif: l’ironie comme forme que trope, elle concerne le niveau du mot, et se<br /> d’argumentation (Amossy 2003, Eggs 2009); voit distinguée de la métonymie, de la<br /> - Énonciatif. On distinguera, dans ce métaphore et de la synecdoque: c’est<br /> paradigme explicatif récent et profus, les notamment l’analyse de Dumarsais (1729); en<br /> approches de l’ironie comme mention ou écho tant que figure de pensée, elle concerne le<br /> (Sperber et Wilson 1978, 1998, niveau de la phrase, et Fontanier (1830) la<br /> Wilson 2006); de l’ironie comme pretence distingue de l’allégorie et de l’hyperbole. Trope<br /> (‘faire-semblant’) (Clark et Gerrig 1984, 1990, ou figure de pensée, l’ironie consisterait en un<br /> Recanati 2000, 2004); ou comme double jeu écart entre le sens propre et le sens figuré, qui<br /> (Berrendonner 1981, 2002); de l’ironie comme permet de faire entendre le contraire de ce qui<br /> polyphonie (Ducrot 1984, Perrin 1996); ou est dit. C’était déjà l’analyse de la Rhétorique à<br /> comme connotation autonymique (Basire 1985). Alexandre, imputée à Aristote; puis celle de<br /> C’est dans ce dernier paradigme que se rangera Quintilien: « in eo vere genere, quo contraria<br /> l’hypothèse que nous avançons de l’ironie ostenduntur, ironeia est » (‘dans ce genre, qui<br /> comme fait dialogique, qui développe la montre des choses contraires, réside l’ironie’),<br /> remarque de Bakhtine citée en exergue. qui se voit reprise par Fontanier: « L’ironie<br /> Ces différentes approches, qui se situent consiste à dire par une raillerie, ou plaisante, ou<br /> dans des cadres théoriques différents, se sérieuse, le contraire de ce qu’on pense, ou de<br /> recoupent dans leurs analyses, même si elles ne ce qu’on veut faire penser » (1830/1977: 146),<br /> se recouvrent pas totalement, et débattent et illustrée par une occurrence de Boileau qui<br /> intensément entre elles (Cf. notamment la encense certains poètes de son temps pour<br /> discussion de l’ironie comme mention échoïque: mieux les railler:<br /> Clark et Gerrig 1984, Sperber 1984, Wilson et (1) Je le déclare donc: Quinault est un<br /> Sperber 1992, Seto 1998, Hamamoto 1998, Virgile;<br /> Recanati 2000, Wilson 2006). Et certaines<br /> Pradon comme un soleil en nos ans a paru.<br /> d’entre elles, comme celle de Perrin 1996,<br /> articulent les dimensions rhétorique, Le fonctionnement antiphrastique de<br /> argumentative et polyphonique de l’ironie. l’ironie aurait pour fonction de rabaisser par la<br /> J. Bres / VNU Journal of Science, Foreign Languages 27 (2011) 147-162 149<br /> <br /> <br /> louange; ou de louer par le blâme: « laudis - Tu vois la prof elle nous fait pas<br /> adsimulatione detrahere et vituperationis travailler<br /> laudare concessum est » (‘il est légitime de L’énoncé « la prof elle nous fait pas<br /> dévaloriser en faisant semblant de louer et de travailler » est bien antiphrastique (≈ ‘elle nous<br /> louer en faisant semblant de blâmer’ fait travailler’); et l’enfant se moque bien de sa<br /> (Quintilien VIII, 6). mère (sans que pour autant la moquerie ne<br /> On retrouve ce type d’analyse de l’ironie prenne ici les traits de la louange).<br /> comme antiphrase, avec bien sûr des variantes On peut toutefois se demander si l’approche<br /> et des aménagements conséquents, dans la rhétorique décrit l’ironie dans sa spécificité, au<br /> stylistique contemporaine ainsi que dans la double niveau théorique et pratique:<br /> pragmatique. Grice p. ex. (1975/1979: 67)<br /> - en la définissant par le « sens contraire »,<br /> analyse l’ironie comme transgression de la<br /> elle tend à l’assimiler à une autre figure,<br /> maxime de qualité (« Do not say what you<br /> l’antiphrase; et dans son fonctionnement<br /> believe to be false »/« Que votre contribution<br /> louangeur, elle ne permet pas de la distinguer<br /> soit véridique »); et il explique son<br /> de l’astéisme, ce « badinage délicat et ingénieux<br /> fonctionnement antiphrastique de la sorte: «Si<br /> par lequel on loue et flatte avec l’apparence<br /> l’on suppose que les propos de A ne sont pas<br /> même du blâme ou du reproche »<br /> sans objet, c’est qu’il doit essayer de<br /> (Fontanier 1830/1977: 150). L’ironie ne serait-<br /> transmettre une autre proposition que celle qu’il<br /> elle que le doublon de l’antiphrase et, dans<br /> semble avancer. Il faut donc que ce soit une<br /> certains emplois, de l’astéisme? La définition<br /> proposition qui soit liée à la précédente de<br /> de l’ironie par le sens contraire, qui ne permet<br /> manière évidente; la plus probable, c’est la<br /> pas de délimiter clairement ces trois figures,<br /> proposition opposée.» (ibid.)<br /> manque de spécificité;<br /> Dans le cadre des maximes<br /> - Il semble bien que certaines antiphrases<br /> conversationnelles, des implicatures du discours<br /> n’aient pas grand-chose d’ironique:<br /> et des actes de langage indirects, le philosophe<br /> du langage redonne un lustre pragmatique à (3) Conversation entre copains de classe:<br /> l’ironie-antiphrase(2). Frédéric - ouais alors tu vois Baptiste moi<br /> L’approche rhétorique, qui définit l’ironie je lui ai passé plein de trucs/je le laisse pomper<br /> par son fonctionnement tropique d’antiphrase, en espagnol/et puis là l’autre fois je lui<br /> et par sa fonction interactionnelle de moquerie demande un truc il m’envoie péter<br /> (ou de louange), a pour elle sa simplicité et son Pierre - tu m’étonnes/il fait ça à tout le<br /> efficacité. Prenons un exemple de la vie monde !<br /> quotidienne: (4) Interaction familiale. Un jeune enfant (4<br /> (2) Interaction familiale. La mère regarde le ans) qui vient de faire de la peinture a taché<br /> cahier de textes de son fils (13 ans) et déclare tous ses vêtements. Son père:<br /> que l’enseignante ne leur « fait pas faire grand- - ah tu es beau ! c’est ta mère qui va être<br /> chose ». Frédéric va travailler dans sa chambre, contente !<br /> revient vers sa mère au bout d’une heure, et, lui L’antiphrase ne fait pas de doute: en (3),<br /> tendant son classeur, déclare sans aucune<br /> « tu m’étonnes » ≈ ‘tu ne m’étonnes pas’; en (4),<br /> intonation spécifique:<br /> « tu es beau » ≈ ‘tu es affreusement sale’;<br /> « c’est ta mère qui va être contente » ≈ ‘ta mère<br /> ______ ne va pas être contente du tout’. La dimension<br /> (2)<br /> Dans des travaux ultérieurs (1967/ 1989), Grice<br /> développera une analyse sensiblement différente de<br /> ironique de moquerie est par contre moins<br /> l’ironie: comme pretence. évidente: faut-il entendre en (3) que la cible de<br /> 150 J. Bres / VNU Journal of Science, Foreign Languages 27 (2011) 147-162<br /> <br /> <br /> <br /> l’étonnement feint de Pierre est son camarade se préparer, Pierre dit à Antoine, avec beaucoup<br /> Frédéric pour l’étonnement que celui-là a perçu de cordialité:<br /> dans le propos de celui-ci?; en (4), que le père - Antoine, tu veux pas que je te prête mes<br /> se moque du fils en lui imputant un discours de sur-chaussures?<br /> satisfaction? Pourquoi pas. L’affaiblissement de<br /> L’ironie de ces trois occurrences est<br /> la dimension critique pourrait être mis au<br /> manifeste: le locuteur se moque de son<br /> compte du processus de pragmaticalisation qui<br /> interlocuteur en (5) et en (7); du discours raciste<br /> affecte les tours « tu m’étonnes », « tu es beau »,<br /> en (6)(4). Pour autant, pas le moindre soupçon<br /> « c’est x qui va être content(e) ».<br /> d’antiphrase: on ne saurait dire que le locuteur<br /> Surtout, il apparaît que certaines ironies laisse entendre « le contraire de p », voire<br /> n’ont rien à voir avec l’antiphrase. Soit les trois « non-p » (Kerbrat-Orecchioni 1980: 119).<br /> occurrences suivantes relevant de genres<br /> Il semble donc que l’approche rhétorique de<br /> différents: la blague, le sketch, la conversation<br /> l’ironie comme écart antiphrastique entre le dit<br /> quotidienne:<br /> et le pensé (ou le communiqué) ne soit pas à<br /> (5) Dans un restaurant de luxe, un client est même de rendre compte d’un certain nombre<br /> attablé avec pour seule compagnie son chien, un d’occurrences(5): c’est peut-être que le<br /> petit teckel. Le patron vient faire la fonctionnement profond de l’ironie lui échappe.<br /> conversation et vante la qualité du restaurant:<br /> « Vous savez, Monsieur, notre chef est l’ancien<br /> cuisinier du roi Farouk » - Ah bon? », dit 3. L’ironie, un cocktail dialogique?<br /> seulement le client. Le patron sans se<br /> décourager: « Et notre sommelier, c’est l’ancien Notre hypothèse est que l’ironie est un fait<br /> sommelier de la cour d’Angleterre… Quant à dialogique, c’est-à-dire reposant sur<br /> notre pâtissier, nous avons recueilli celui de l’interaction de deux discours (Bres 2005, 2007;<br /> l’empereur Bao-Daï. » Devant le mutisme du Bres et Nowakowska 2006), dans le cas présent,<br /> client, le patron change de conversation: « Vous celui de l’ironiste et celui qu’il prête à sa cible.<br /> avez là, monsieur, un bien joli teckel. » À quoi Après avoir défini l’énoncé dialogique,<br /> le client répond: - « Mon teckel, monsieur, j’analyserai en quoi l’ironie en relève, et ce qui<br /> c’est un ancien saint-bernard » (cité in Ducrot fait sa spécificité.<br /> 1984: 212)(3).<br /> (6) Marrakech ça nous a pas plu… non ça 3.1. De l’énoncé dialogique<br /> nous a déçu… des Arabes ! des Arabes ! rien Rappelons brièvement l’analyse que nous<br /> que des Arabes !… même le roi est arabe (...) faisons (Bres et Verine 2002) d’un énoncé<br /> (Sophie Daumier et Guy Bedos, Vacances à prototypiquement dialogique comme:<br /> Marrakech)<br /> (8) Oui, la santé coûte cher (titre d’article,<br /> (7) Pierre fait du vélo avec Antoine. Celui- Les Echos.fr, 28.1.2008)<br /> ci, qui craint le froid aux pieds, finit par<br /> Cet énoncé se présente comme le résultat de<br /> s’acheter des sur-chaussures qu’il arbore<br /> l’interaction d’un acte d’énonciation (E) avec<br /> fièrement durant les froides sorties d’hiver, et<br /> un autre acte d’énonciation (e), que nous<br /> sur lesquelles il ne tarit pas d’éloges. Un jour de<br /> douceur printanière, alors qu’ils sont en train de<br /> ______<br /> (4)<br /> Avec une complexification énonciative<br /> ______ (personnages/auteur) tenant au genre du discours sketch,<br /> (3)<br /> Ducrot (1984 : 211) dit avoir emprunté cette blague à que nous ne prendrons pas en compte ici.<br /> (5)<br /> une thèse estudiantine… qui l’avait sûrement empruntée à Voir également, pour une critique de l’approche<br /> Olbrechts-Tyteca (1974 : 180). rhétorique, Sperber et Wilson 1978, Basire 1985.<br /> J. Bres / VNU Journal of Science, Foreign Languages 27 (2011) 147-162 151<br /> <br /> <br /> pouvons gloser comme confirmation d’un contexte, ce qui, nous allons le voir, est le cas<br /> énoncé antérieur. Cette interaction prend la de l’énoncé ironique.<br /> forme d’un enchâssement du second dans le<br /> premier. Si l’actualisation phrastique consiste à 3.2. Du dialogisme de l’ironie<br /> appliquer un modus à un dictum (Bally<br /> 1934/1965: 36-38), l’actualisation de l’énoncé Commençons par établir la dimension<br /> dialogique « oui, la santé coûte cher » consiste dialogique de l’énoncé ironique dans les<br /> à appliquer les opérations d’actualisation occurrences (2) et (5).<br /> lexico-sémantique, déictique et modale (ici En (2), l’acte d’énonciation (E) dans lequel<br /> notamment la confirmation (oui)), non à un Frédéric produit l’énoncé [E] « la prof elle nous<br /> dictum, mais à une unité présupposée avoir déjà fait pas travailler » à destination de sa mère, est<br /> statut d’énoncé. L’énoncé dialogique se en interaction avec l’acte d’énonciation<br /> présente comme résultant d’une énonciation sur antérieur (e) de celle-ci, acte selon lequel<br /> une énonciation: il relève de la métaénonciation. l’enseignante ne leur « fai(sait) pas faire grand<br /> On distingue, pour l’analyse de l’énoncé chose ». Frédéric reprend le contenu de<br /> dialogique, deux ensembles de paramètres: ceux l’énoncé [e], semble-t-il, à son compte, en le<br /> de l’énonciation enchâssante: énoncé [E], reformulant: on y entend deux voix, celle de<br /> locuteur L1, allocutaire A1, énonciateur E1(6), l’énonciateur E1 (correspondant à Frédéric), et<br /> temps de l’énonciation T0; et ceux de celle de l’énonciateur e1 (correspondant à la<br /> l’énonciation enchâssée: [e], l1, a1, e1, t0. Les mère).<br /> deux structures d’énonciation en interaction En (5), l’acte d’énonciation (E) dans lequel<br /> dans l’énoncé dialogique sont dans une relation le client produit l’énoncé [E] « Mon teckel,<br /> de hiérarchie et de dépendance, que nous monsieur, c’est un ancien saint-bernard » à<br /> représentons, globalement, comme (E(e)), ce destination du patron, est en interaction avec<br /> qui a pour conséquence que les paramètres de l’acte d’énonciation antérieur (e) de ce dernier,<br /> l’énonciation enchâssée sont plus ou moins acte selon lequel « notre chef est l’ancien<br /> "phagocytés": ainsi dans l’énonciation de « oui, cuisinier du roi Farouk (…) notre sommelier,<br /> la santé coûte cher », les paramètres du locuteur c’est l’ancien sommelier de la cour<br /> (l1), de l’allocutaire (a1), de l’énonciateur (e1) de d’Angleterre ». L’interaction prend ici la forme<br /> l’énonciation enchâssée n’apparaissent pas. non d’une reformulation, mais d’un<br /> L’énoncé [e] lui-même n’est pas présenté dans prolongement mimétique: le client s’inscrit<br /> sa matérialité mais (plus ou moins) reformulé: dans la structure syntaxique et sémantique du<br /> on ne peut qu’en inférer le contenu, ce que nous discours du patron: [déterminant possessif + N1<br /> notons comme [la santé coûte cher]. (c’) est un ancien N2], dans lequel N2 occupe<br /> Nous dirons, en paraphrase de Bakhtine, une position démesurément élevée par rapport à<br /> que l’énoncé dialogique fait entendre deux voix; N1.<br /> qu’il est habité du « dialogue interne » de deux L’énoncé ironique est un énoncé dialogique:<br /> énonciations, qui peut être marqué en tant que il est traversé par un dialogue interne implicite,<br /> tel explicitement - dans l’énoncé (8), l’adverbe qui procède de l’interaction entre l’acte<br /> oui en est le signifiant - ou être bien plus d’énonciation (E) dans lequel il est pris avec un<br /> implicite et seulement inférable du cotexte et du acte d’énonciation antérieur (e)(7). Précisons<br /> <br /> ______ ______<br /> (6) (7)<br /> L’instance du locuteur actualise phonétiquement (ou Notre analyse rejoint (en partie) celle de Sperber et<br /> scripturalement) l’énoncé dans sa dimension locutoire de Wilson (1978, 1998) de l’ironie comme mention échoïque.<br /> dire ; l’instance de l’énonciateur l’actualise aux différents Entre autres différences : cette notion ne nous paraît pas<br /> niveaux déictique, syntaxique, lexico-sémantique et modal. définitoire de l’ironie dans sa spécificité, dans la mesure<br /> 152 J. Bres / VNU Journal of Science, Foreign Languages 27 (2011) 147-162<br /> <br /> <br /> <br /> que ladite antériorité peut être précise et récente - Tu te souviens de l’idée que j’avais eue à<br /> comme en (2) et (5); ou plus diffuse comme en propose de toi et de Mme Verdurin? Dis-moi si<br /> (7); et que, d’un point de vue référentiel, l’acte c’était vrai, avec elle ou avec une autre. »<br /> d’énonciation (e) peut être effectif, ou ( …)<br /> simplement prêté à e1 par E1.<br /> « Je te l’ai dit, tu le sais bien, ajouta-t-elle<br /> L’ironie est bien un phénomène de d’un air irrité et malheureux.<br /> dialogisme, ce qui ne saurait être suffisant pour<br /> - Oui, je sais, mais en es-tu sûre? Ne me dis<br /> le caractériser: les faits dialogiques sont si<br /> pas: « tu le sais bien », dis-moi: « Je n’ai jamais<br /> nombreux…<br /> fait ce genre de choses avec aucune femme. »<br /> Elle répéta comme une leçon, sur un ton<br /> 3.3. Spécificité de l’ironie en tant que fait ironique, et comme si elle voulait se<br /> dialogique<br /> débarrasser de lui:<br /> Si l’ironie est un fait dialogique, qu’est-ce « Je n’ai jamais fait ce genre de choses<br /> qui le distingue des autres tours dialogiques qui, avec aucune femme. » (Proust, Un Amour de<br /> comme lui, peuvent tous être décrits comme Swann)<br /> interaction d’une énonciation (E) avec une autre<br /> Il est ici évident que l’énoncé d’Odette est<br /> énonciation (e)? Sa spécificité nous semble<br /> en interaction avec celui de Marcel. Mais cette<br /> tenir à l’assemblage des trois ingrédients<br /> évidence procède du co(n)texte, non de<br /> suivants: l’implicite de l’interaction dialogique,<br /> l’énoncé d’Odette lui-même qui, en bon énoncé<br /> la discordance avec le co(n)texte, le jeu de<br /> ironique, n’explicite pas qu’il est en interaction<br /> l’énonciation.<br /> forte avec l’énoncé de Marcel: il le répète à la<br /> 3.3.1. La dimension implicite de lettre, mais ne dit pas qu’il le répète.<br /> l’interaction dialogique<br /> Est-ce pour autant que tous les énoncés à<br /> Remplaçons l’énoncé de Frédéric (ex. 2) dialogisme implicite(8), que l’on peut ranger<br /> par du discours rapporté direct ou indirect, dans la catégorie de l’allusion (Authier 2000),<br /> marqueur prototypique du dialogisme: sont ironiques? Bien sûr que non.<br /> (2’) tu m’as dit « La prof vous fait pas (10) Melina Mercouri fut, dans ses rôles et<br /> travailler »/que la prof nous faisait pas travailler dans sa vie, tout entière à la Grèce attachée.<br /> Dans ce cas, l’interaction entre [E] et [e] est (article lors de la mort de l’artiste, Le Monde, 7<br /> explicite (distinction discours citant/discours mars 1994, les italiques sont de notre fait)<br /> cité, que ce soit en discours direct ou en (11) Le style d’Emilie<br /> discours indirect); ce qui a pour conséquence<br /> (…) la subtilité des arrangements installe<br /> que la dimension ironique de l’énoncé tend à<br /> toujours ce même climat étrange et pénétrant.<br /> s’évanouir: l’ironie est bien liée à l’implicite de<br /> On peut appeler cela le style d’Emilie. (le<br /> l’interaction.<br /> Monde2, 1er avril 2006, présentation d’un CD<br /> On pourrait penser que cette dimension n’est d’Emilie Simon, les italiques sont de notre fait)<br /> pas réalisée dans une occurrence comme (9):<br /> Les allusions à Phèdre de Racine en (10)<br /> (9) (Swann interroge Odette sur sa possible (« C’est Vénus tout entière à sa proie attachée »),<br /> homosexualité) à Verlaine en (11) (« Je fais souvent ce rêve<br /> étrange et pénétrant ») sont totalement implicites:<br /> aucun marqueur ne les signale, seule notre<br /> où de nombreux faits dialogiques la réalisent (p. ex. ______<br /> (8)<br /> l’énoncé hypocoristique, infra (18)), sans pour autant C’est-à-dire dans lesquels le dialogisme n’est signalé<br /> relever de l’ironie. par aucun marqueur.<br /> J. Bres / VNU Journal of Science, Foreign Languages 27 (2011) 147-162 153<br /> <br /> <br /> mémoire interdiscursive nous fait comprendre ces (13) La fille aux yeux bleus a les yeux verts.<br /> énoncés comme dialogiques. Mais ni l’un de (Jackendoff 1975, Fauconnier 1984)<br /> l’autre ne sont ironiques. (14) Celui qui est mort sur la croix n’a<br /> L’implicite de l’interaction(9) entre [E] et [e] jamais existé. (Pêcheux 1975)<br /> est un ingrédient obligatoire de l’ironie; il ne (15) Je vous ai fait une cachotterie bien<br /> saurait à lui seul la caractériser. involontaire. (courriel)<br /> 3.3.2. La discordance co(n)textuelle Un même énonciateur, en vertu du principe<br /> Laissons un bref instant la problématique de non-contradiction pratique, ne peut asserter à<br /> dialogique, et faisons un petit détour pour la fois qu’une fille a les yeux bleus et qu’elle a<br /> mieux y revenir. L’énonciation ironique doit les yeux verts; que quelqu’un est mort sur la<br /> comporter une discordance (i) entre le texte et croix et qu’il n’a jamais existé; qu’il fait une<br /> son contexte, et/ou (ii) entre le texte et son cachotterie et que c’est involontaire(11).<br /> cotexte. L’analyse dialogique imputera à un énonciateur<br /> (i) L’énoncé ironique est contraire à un fait e1 les énoncés [e] reconstruits [la fille a les yeux<br /> observable patent - d’où les exemples bleus] pour (13), [quelqu’un/le Christ est mort<br /> prototypiques d’ironie dans la littérature: sous sur la croix] pour (14), [x a fait une cachotterie]<br /> un orage, un locuteur dit: « Beau temps ! », ou pour (15); et à l’énonciateur E1, que ladite fille<br /> « il me semble avoir senti quelques gouttes de a les yeux verts (13), que ladite personne n’a<br /> pluie » (Sperber et Wilson 1978: 400). En (2), jamais existé (14), que ladite cachotterie était<br /> Frédéric dit à sa mère « tu vois la prof elle nous involontaire (15). Dans ce type d’occurrences,<br /> fait pas travailler » tout en lui tendant le travail la discordance est intérieure à l’énoncé: elle<br /> qu’il vient de faire, qui contredit formellement s’instaure entre la partie thématique de l’énoncé<br /> ledit énoncé. qui est imputée à e1, et la partie rhématique<br /> imputée à E1. Rien de tel avec l’énoncé ironique:<br /> (ii) La discordance peut être<br /> la discordance concerne le rapport non entre le<br /> (auto)cotextuelle. Lorsqu’Agrippine, dans<br /> thème et le rhème, mais entre l’énoncé et son<br /> Britannicus de Racine, dit à Albine:<br /> cotexte et/ou son contexte.<br /> (12) Et ce même Néron, que la vertu<br /> La discordance - contextuelle, et/ou<br /> conduit,/Fait enlever Junie au milieu de la nuit.<br /> cotextuelle - est nécessaire mais non suffisante,<br /> (v. 53-54)(10)<br /> dans la mesure où on la retrouve dans d’autres<br /> Il y a une contradiction argumentative entre types d’acte, notamment dans l’acte mensonger<br /> la relative explicative « (Néron) que la vertu enfantin: p. ex. le petit garçon qui dit que ce<br /> conduit », et la principale « fait enlever Junie au n’est pas lui qui a mangé le chocolat alors que<br /> milieu de la nuit »: un enlèvement ne saurait ses doigts et ses lèvres en portent les traces<br /> relever des actes de vertu. patentes. Nos hommes politiques sont aussi<br /> Si l’approche rhétorique a pu appréhender coutumiers du fait: le ministre de l’intérieur<br /> l’ironie par l’antiphrase, c’est que cette figure Brice Hortefeux a prétendu que, lors d’une<br /> est la forme la plus patente de discordance. interaction informelle au cours des journées des<br /> Il convient de distinguer ce type de jeunes UMP (septembre 2009) à laquelle<br /> discordance, d’un autre type que l’on trouve participait un jeune issu de l’immigration, son<br /> dans des énoncés également dialogiques: propos: « il en faut toujours un/quand il y en a<br /> ______<br /> ______ (11)<br /> Songeons à l’énoncé que les Guignols de l’info<br /> (9)<br /> Pour ce trait, l’ironie serait plutôt à rapprocher du mettaient dans la bouche du coureur cycliste Richard<br /> discours (in)direct libre. Sur ce point, cf. Jaubert 2010. Virenque, convaincu de dopage : « j’ai été dopé à mon<br /> (10)<br /> Exemple analysé par Ducrot (1984: 204). insu de mon plein gré ».<br /> 154 J. Bres / VNU Journal of Science, Foreign Languages 27 (2011) 147-162<br /> <br /> <br /> <br /> un ça va/c’est quand il y en a beaucoup qu’il y a locuteur qui doit faire comme si c’était bien lui<br /> des problèmes » visait les Auvergnats (dont il l’énonciateur (E1) de l’énoncé ironique, tout en<br /> est) et non les Arabes; l’étude de la vidéo laissant entendre, du fait de la discordance, que<br /> montre que cotextuellement comme de fait il n’est qu’un masque(13). Derrière ou<br /> contextuellement la parole du ministre sous E1, il y a un e1; sous les pavés de l’énoncé<br /> anaphorisait bien les Arabes… Le discours [E], la plage d’un énoncé [e], risible du fait de<br /> mensonger produit des discours en discordance son inadéquation. Frédéric, en (2), donne le<br /> avec le contexte et/ou le contexte: il ne relève change de belle manière: il fait comme si c’était<br /> pas pour autant de l’ironie. Si le mensonge vise lui l’énonciateur de « la prof elle nous fait pas<br /> à cacher la discordance, l’ironie en joue sur un travailler »; mais la discordance de son discours<br /> mode qu’il nous reste à expliciter(12). avec la réalité implique qu’il se fait la voix d’un<br /> La discordance, qui entre dans la recette de autre énonciateur, susceptible de tenir ce<br /> l’énoncé ironique, mais qui n’a pas partie discours. Cet élément est absolument nécessaire.<br /> directement liée avec l’énoncé dialogique, est Nous avons vu que le discours rapporté (direct<br /> cruciale, comme nous allons le voir, pour la et indirect), qui explicite le discours citant et le<br /> production du sens ironique. Remarquons pour discours cité, et donc distingue clairement les<br /> introduire à cette dimension que si la énonciateurs E1 et e1, ne pouvait produire<br /> discordance est posée entre l’énoncé [e] l’ironie. Du côté de la réception, il suffit que<br /> explicitement rapporté et le cotexte/contexte, l’interlocuteur ne perçoive pas le jeu sur<br /> l’ironie disparaît. Si Frédéric avait dit: l’énonciation en « prenant au premier degré » le<br /> discours pour que la machinerie de l’ironie se<br /> (2’’) la prof nous fait pas travailler?/eh ben<br /> détraque. Ce possible malentendu, Sophie<br /> regarde ce que je viens de faire<br /> Daumier et Guy Bedos en ont fait les frais dans<br /> Il aurait pointé un écart entre le dire de la la réception de leur sketch Vacances à<br /> mère et la réalité des choses de la vie scolaire. Marrakech. Reprenons l’occurrence (6):<br /> Mais ce faisant l’ironie, une fois encore, se<br /> (6) Marrakech ça nous a pas plu… non ça<br /> serait volatilisée. Nous avons vu que l’énoncé<br /> nous a déçu… des Arabes ! des Arabes ! rien<br /> [e], pour entrer dans la recette de l’ironie, ne<br /> que des Arabes !… même le roi est arabe (…)<br /> devait pas être explicitement rapporté:<br /> (Sophie Daumier et Guy Bedos, Vacances à<br /> similairement, ne doit pas être explicitement<br /> Marrakech)<br /> pointée sa discordance référentielle et/ou<br /> argumentative. L’énoncé de Frédéric en (2), à Guy Bedos explique que ce sketch a dû être<br /> l’inverse, insiste sur la concordance entre retiré de leur tournée: les deux humoristes<br /> l’énoncé ironique et la réalité: le « tu vois » qui faisaient l’objet de critiques virulentes de<br /> précède « la prof elle nous fait pas travailler » certains cercles antiracistes tout comme de<br /> est une invitation (feinte) à constater ladite félicitations encombrantes de spectateurs<br /> concordance. franchouillards(14). Ledit sketch a été repris à la<br /> télévision en 1975 sur TF1, mais introduit par la<br /> 3.3.3. Le jeu énonciatif<br /> Il arrive que l’articulation entre deux pièces<br /> d’un mécanisme ait du jeu. L’ironie se construit ______<br /> (13)<br /> sur un manque de serrage énonciatif: le jeu en C’est cet espacement énonciatif que la théorie du<br /> pretense (supra 1.) pose comme définitoire de l’ironie.<br /> est un ingrédient obligatoire, dont joue le (14)<br /> « Lorsqu’une première fois, une bonne dame vient<br /> vous féliciter chaudement : « Qu’est-ce que vous leur avez<br /> ______ mis aux ratons ! » vous restez pétrifié, mais la vingtième<br /> (12)<br /> Mensonge et ironie ne s’excluent pas pour autant: cf. fois, vous avez compris: attention à l’humour au second<br /> l’analyse de La mère Sauvage (Maupassant) par J.-M. degré ! », (interview au Nouvel Observateur, 17/12/73,<br /> Barbéris (2009: 143 sqq.). citée par Kerbrat-Orecchioni 1978: 35).<br /> J. Bres / VNU Journal of Science, Foreign Languages 27 (2011) 147-162 155<br /> <br /> <br /> chanteuse Dany, déguisée en hôtesse de l’air, de ses collègues, qu’il catégorise comme<br /> qui annonçait: prétexte mensonger, pour s’en moquer?<br /> (6’) Les passagers du vol Air France N° 320 Indécidable, d’autant plus que le second<br /> à destination de Marrakech sont informés/et ingrédient du discours ironique - la discordance<br /> ceci afin d’éviter désormais tout - est ici tout sauf manifeste: Antoine peut bien<br /> malentendu/que le texte qui va leur être avoir effectivement des douleurs dentaires…<br /> présenté maintenant est d’inspiration antiraciste C’est en tout cas la réception qu’en fait Pierre,<br /> l’un des collègues impliqués dans l’échange<br /> Façon de prévenir par avance les possibles électronique, qui envoie au seul Antoine le<br /> malentendus interprétatifs engendrés par la courriel suivant: « Salut Antoine, mais elles sont<br /> surdité au jeu énonciatif de l’ironie. toutes cabossées nos chères collègues…<br /> Notons que ce jeu énonciatif peut être lombalgie, cervicalgie... (…) j'ai cru au début de<br /> signalé intonativement (certains parlent ton emel que tu ironisais, que tu avais une dent<br /> d’ « intonation ironique »); et on sait qu’il a été contre tous ces vrais-faux alibis… mais peut-être<br /> question d’introduire dans la ponctuation, au pas… tu sembles bien souffrir de la ratiche... no<br /> XIXè siècle, un point d’ironie, ce que réalise pb: je serai à la réunion mardi, à moins que mon<br /> actuellement - entre autres fonctionnements - vélo ne tombe malade et que je doive le conduire<br /> l’icône clin d’oeil (;-) dans l’écrit électronique: en consultation chez le mécanicien, ou en<br /> autant de garde-fous, heureusement facultatifs, rééducation chez mon copain kiné Bernard: après<br /> qui, en pointant le double jeu, affadissent tout, peut-être qu'il masse aussi les pneus… »<br /> quelque peu, selon nous, le discours ironique, Pierre hésite entre réception ironique<br /> qui n’est jamais aussi savoureux que lorsque /réception sérieuse du courriel d’Antoine. Il le<br /> son jeu n’est pas marqué, et donc totalement fait sur un mode clairement ironique à l’égard<br /> livré à l’interprétation de l’interlocuteur, au des discours de Martine et de Michèle, en<br /> risque du malentendu (cf. supra les réceptions, s’inscrivant dans l’argument des soins<br /> erronées de (6)), ou de l’indécidabilité, comme médicaux… dont aura peut-être besoin son vélo:<br /> dans le cas de (16): la discordance est ici hénaurme…<br /> (16) Echange de courriels entre universitaires. Comme pour les traits précédents, la<br /> Antoine rappelle à quelques collègues posture énonciative du « faire comme si », qui<br /> l’importance d’une réunion à venir, pour laquelle entre dans la composition de l’ironie, n’est pas<br /> il sollicite leur présence. Une première collègue, spécifique de ce type de discours. On la<br /> Martine, excuse son absence: elle a rendez-vous retrouve p. ex. dans l’énonciation<br /> chez son médecin; une seconde, Michèle, signale hypocoristique. Sans entrer dans le détail<br /> qu’elle ne pourra venir parce qu’elle a une séance complexe de l’analyse de ce type d’acte (Bres<br /> de kinésithérapie. Antoine envoie alors le courriel 2003), notons que dans un énoncé comme:<br /> suivant: « Chers collègues, j'ai bien pris (17) il avait envie de faire un gros pipi mon<br /> connaissance de vos empêchements pour la chienchien (intonation montante) oui oui on<br /> réunion de filière et vous en remercie. Comme allait le sortir/ allez viens mon Mickey viens<br /> j'ai un besoin urgent de voir le dentiste, (une vieille dame à son chien)<br /> inopinément apparu, et n'ai trouvé de rendez- la locutrice fait (selon un mécanisme certes<br /> vous qu'à cette heure-là, il en résulte que nous distinct de celui de l’ironie) comme si elle était<br /> ne serons représentés que par un seul d'entre l’énonciateur E1 des énoncés en italique dans le<br /> nous à cette réunion - et encore n'en suis-je pas même temps qu’elle laisse entendre, notamment<br /> tout à fait sûr. » par l’intonation hypocoristique, la voix d’un<br /> Antoine a-t-il effectivement mal aux dents? autre énonciateur (e1), en l’occurrence celle de<br /> ou s’inscrit-il dialogiquement dans le discours son interlocuteur, à savoir son chien…<br /> 156 J. Bres / VNU Journal of Science, Foreign Languages 27 (2011) 147-162<br /> <br /> <br /> <br /> L’énoncé hypocoristique est comme 3.4. La cible de l’ironie: hétéro- et auto-ironie<br /> l’énoncé ironique implicitement dialogique, et L’ironie - en tant que critique, raillerie -<br /> procède d’un jeu de simulation énonciative. On vise une cible, comme l’ont signalé tous les<br /> voit ce qui l’en sépare: l’ironie, nous l’avons vu, chercheurs en la matière. Dans le cadre de notre<br /> est fondée sur une discordance; hypothèse, la cible correspond, via le discours<br /> l’hypocoristique, sur une concordance: la vieille convoqué (e), à son énonciateur, à savoir e1 qui<br /> dame présuppose que l’énoncé « il avait envie se voit identifié par inférence: en (2), il<br /> de faire un gros pipi mon chienchien » correspond à l’actant mère; en (5), à l’actant<br /> correspond à la réalité des choses de la vie patron. Si la cible de l’ironie est fréquemment<br /> canine… Cette différence produit des effets l’interlocuteur, ce n’est pas toujours le cas.<br /> inverses: d’empathie pour l’hypocorisme, de Brossons rapidement le tableau des cibles<br /> distance critique pour l’ironie. Rien n’empêche possibles en articulation avec le fonctionnement<br /> bien sûr de combiner les deux, comme dans dialogique.<br /> l’occurrence suivante:<br /> Nous avons dit que le dialogisme de<br /> (18) Echange entre un père et son fils (12 l’énoncé ironique procédait de son interaction<br /> ans) qui vient de se fâcher et qui boude: avec un énoncé antérieur(16). Cette antériorité<br /> Père - il faisait un gros caprice mon fait que le dialogisme à l’œuvre dans l’ironie<br /> garçon/il était fâchéfâché pourra être d’ordre interlocutif (interaction avec<br /> Fils - Oh ça va! arrête de me parler comme un énoncé de l’interlocuteur)(17); interdiscursif<br /> à un bébé! (interaction avec l’énoncé d’un tiers);<br /> Le père raille par l’ironie un discours qui, autodialogique (interaction avec l’énoncé du<br /> de par le fonctionnement dialogique de l’énoncé locuteur). La cible pourra donc être<br /> hypocoristique, se voit prêté au fils. l’interlocuteur ou un tiers (hétéro-ironie); ou le<br /> locuteur lui-même (auto-ironie).<br /> Partant de l’hypothèse que l’ironie était un<br /> fait dialogique, nous avons défini sa spécificité - La cible est l’interlocuteur: cette forme est<br /> par trois éléments: l’implicite de l’interaction privilégiée dans le discours dialogal authentique<br /> dialogique, la discordance contextuelle et/ ((2), (5), (7)), ou représenté (12). Citons encore<br /> cotextuelle de l’énoncé, le jeu énonciatif. Nous ces deux belles et féroces occurrences:<br /> avons vu que ces trois ingrédients à l’œuvre (20) Conversation. Corinne a pris la décision<br /> dans l’ironie sont présents mais séparément de se séparer de Jean, ce qui n’agrée pas à ce<br /> dans d’autres discours: la spécificité de l’ironie dernier. Ils sirotent un ultime thé. Elle le regarde,<br /> tient à leur combinaison. et se met à fredonner la chanson de Brel:<br /> Cette hypothèse permet d’approfondir - Ne me quitte pas…<br /> plusieurs dimensions de l’ironie: sa cible, son<br /> Façon pour Corinne d’ironiser - via<br /> marquage, ses formes extrêmement variées, son<br /> l’intertexte de la chanson de Jacques Brel - sur<br /> rapport à des faits discursifs proches comme<br /> le discours du refus de la séparation que tient<br /> l’antiphrase(15), l’humour, la parodie, le pastiche,<br /> etc. Dans les limites de cet article, ne seront Jean, en feignant de l’énoncer.<br /> rapidement développées que les questions de la ______<br /> cible et des fonctions de l’ironie. (16)<br /> Cf. cette remarque de P. Schoentjes: « à la différence<br /> des auteurs d’anti-utopies, les créateurs d’utopies sont<br /> ______ rarement de grands ironistes » (2001: 99).<br /> (15) (17)<br /> Notamment le fait qu’il semble exister une ironie Question : du fait de cette dimension d’antériorité, le<br /> antiphrastique qui ne passe pas forcément par l’interaction dialogisme interdiscursif anticipatif (cas où le locuteur<br /> avec un discours antérieur, et qui donc ne relèverait pas du interagit avec le discours qu’il prête à son interlocuteur en<br /> dialogisme, comme dans (1, 3, 4 cités supra), ou comme réponse à son propre discours) peut-il être concerné ?<br /> dans (19): Nous y répondrons (positivement) dans un article ultérieur.<br /> J. Bres / VNU Journal of Science, Foreign Languages 27 (2011) 147-162 157<br /> <br /> <br /> (21) Correspondance. Voltaire écrit à À travers le terme colossal, particulièrement<br /> Rousseau qui lui a adressé son Discours sur inadapté référentiellement, le locuteur-<br /> l’inégalité. Ce chef-d’œuvre de persiflage se énonciateur vise le discours souvent<br /> clôt sur l’invitation suivante: hyperbolique d’un de leurs collègues de travail<br /> M. Chappuis m’apprend que votre santé est qui use de cet adjectif plus que de raison.<br /> bien mauvaise; il faudrait la venir rétablir dans (24) Avril 2006, le président algérien A.<br /> l’air natal, jouir de la liberté, boire avec moi le Bouteflika, qui a tenu quatre jours auparavant<br /> lait de nos vaches, et brouter nos herbes. un discours accusant la France d’avoir commis<br /> Façon pour Voltaire de moquer le discours un « génocide de l’identité algérienne », vient<br /> « primitiviste » de son destinataire: sous se faire soigner à l’hôpital du Val-de Grâce. J.<br /> l’énonciateur E1, un énonciateur e1 qui réfère à M. Le Pen, président du Front national, déclare,<br /> l’allocutaire. lors d’une interview sur RMC, le 20 avril:<br /> - La cible est un tiers: le discours monologal, - Je ne comprends pas très bien que ce<br /> notamment littéraire, affectionne ce type(18). monsieur vienne se faire soigner chez les<br /> Citons p. ex. cette occurrence canonique dans abominables colonialistes que nous sommes /<br /> laquelle Voltaire raille la philosophie de Le syntagme abominables colonialistes est<br /> l’optimisme, et au-delà de Leibnitz, en ironiquement dialogique: J. M. Le Pen raille le<br /> présentant positivement les armées qui discours qu’il impute à A. Bouteflika, tout en<br /> s’affrontent… Dieu, que la guerre est jolie !…: feignant de le tenir: sous l’énonciateur E1, un<br /> (22) Rien n’était si beau , si leste, si brillant, énonciateur e1 qui réfère à un tiers.<br /> si bien ordonné que les deux armées. (…) la - la cible est le locuteur lui-même, qui se<br /> mousqueterie ôta du meilleur des mondes dédouble en deux instances énonciatives (E1 et<br /> environ neuf à dix mille coquins qui en e1) coréférentielles, pour se moquer de son<br /> infectaient la surface. La baïonnette fut aussi la propre discours:<br /> raison suffisante de la mort de quelques milliers<br /> d’hommes. (…) Candide, qui tremblait comme (25) Conversation téléphonique. Pierre<br /> un philosophe, se cacha du mieux qu’il put appelle souvent Antoine, collègue de travail et<br /> pendant cette boucherie héroïque. Enfin, tandis compagnon de vélo pour lui proposer une sortie<br /> que les deux rois faisaient chanter des te Deum, cycliste. Le mardi 7 avril 2009 au matin, il<br /> chacun dans son camp, il prit le parti d’aller pleut comme vache qui pisse; Pierre contacte<br /> raisonner ailleurs des effets et des causes. Antoine pour une question liée à leur activité<br /> (Voltaire, Candide) professionnelle. Il commence l’interaction en<br /> galéjant… lourdement:<br /> Flaubert ironise le discours de la bêtise tout au<br /> long de Bouvard et Pécuchet; et Cervantes, celui - salut Antoine/on va faire du vélo cet aprem?<br /> de la chevalerie tout au long de Don Quichotte. - (rire d’Antoine) (…)<br /> Le discours en interaction verbale peut aussi La proposition de sortie cycliste est<br /> bien sûr être l’occasion de railler un tiers, dans frontalement contredite par la pluie torrentielle.<br /> une interaction privée (23), comme dans une L’énoncé de Pierre: « on va faire du vélo cet<br /> interaction publique (24): aprem » est dialogique: s’y entend, sous le<br /> (23) Pierre et Antoine pédalent une petite locuteur-énonciateur E1, un énonciateur e1,<br /> côte. Au sommet Pierre dit: "accro" au vélo, que E1 raille en lui prêtant cet<br /> énoncé parfaitement inadapté à la circonstance.<br /> - Ouh ! j’ai souffert pour la grimper cette<br /> Les deux énonciateurs coréfèrent: Pierre se<br /> bosse colossale!<br /> moque de son propre discours, et au-delà, de<br /> ______ lui-même.<br /> (18)<br /> Cf. Amossy (2003), pour le texte balzacien.<br /> 158 J. Bres / VNU Journal of Science, Foreign Languages 27 (2011) 147-162<br /> <br /> <br /> <br /> L’ironie fait flèche de toute personne, et de l’ironie, la louange n’est qu’un des actes<br /> donc de tout discours: ceux tenus par les directs par lesquels elle se réalise.<br /> personnes de l’interlocution (1ère et 2ème), Qu’en est-il de la seconde fonction que<br /> comme par les tiers (3ème). Quintilien attribue à l’ironie, à savoir blâmer<br /> pour louer, soit l’ironie positive? Considérons<br /> 3.5. Pragmatique de l’ironie: louer pour le type d’occurrence suivant que nous n’avons<br /> blâmer, blâmer pour louer? Ironie pas encore rencontré:<br /> négative/positive (26) Conversation téléphonique. Jean,<br /> Comme nous l’avons noté supra en 2., chercheur qui a tendance à douter de ses<br /> Quintilien assigne à l’ironie deux fonctions compétences, confie un sien article à relire et<br /> opposées: de dévaloriser (acte indirect) en évaluer à un collègue et ami André, qui le<br /> faisant semblant de louer (acte direct); et de contacte quelques jours plus tard de la sorte:<br /> louer (acte indirect) en faisant semblant de André - je viens de lire un texte nul d’un<br /> blâmer (acte direct). Qu’en est-il de ces mec nul<br /> fonctions au regard de l’analyse que nous Jean - oui (petit rire de distance prudente)<br /> proposons de l’ironie?<br /> André - non bon ton travail est super-<br /> Commençons par la première, louer pour intéressant/en particulier tu montres bien que (…)<br /> blâmer, que l’on peut nommer ironie négative;<br /> (27) Conversation amoureuse. Une fort<br /> et rappelons l’ex. (1) proposé par Fontanier:<br /> belle femme, Maria, chausse parfois ses noires<br /> (1) Je le déclare donc: Quinault est un lunettes masochistes pour se penser et se dire<br /> Virgile;/Pradon comme un soleil en nos ans a paru. quelconque, sans charme, etc… Un jour qu’elle<br /> Qui se voit analysé comme le fait que est particulièrement en beauté et qu’elle se<br /> Boileau, « pour mieux se moquer des écrivains regarde au miroir, Julien lui dit:<br /> de son temps, feint de les louer » (1830/1977: - Tu sais tu es très très laide aujourd’hui<br /> 146). Dans l’analyse de la rhétorique, je sais pas comment tu peux t’intéresser à toi!<br /> fonctionnement antiphrastique et actes de<br /> - C’est le plus beau compliment qu’on<br /> langage direct et indirect inverses ont partie liée.<br /> m’ait jamais fait!<br /> La relation d’antonymie entre louer et blâmer<br /> s’accorde parfaitement avec l’approche Notons tout d’abord que les trois<br /> rhétorique de l’ironie comme antiphrase. Mais ingrédients par lesquels nous avons défini<br /> que devient cette inversion dans une approche l’ironie sont co-présents dans ce type<br /> comme la nôtre qui dénoue les liens entre ironie d’exemple:<br /> et antiphrase? Des 11 occurrences d’ironie - Les énoncés ironiques du locuteur-<br /> proposés, tout au plus l’une d’entre elles - l’ex énonciateur E1 sont en dialogue interne avec des<br /> ( 22) de Candide (Voltaire) qui se présente énoncés antérieurs produits par (ou prêtés à)<br /> comme un éloge de la guerre - peut être décrit l’énonciateur e1, qui dans le cas présent<br /> comme relevant de la critique par la feinte correspond référentiellement à l’interlocuteur:<br /> louange. Pour tous les autres, l’inversion comme nous l’avons signalé, celui-ci tient<br /> louange > blâme n’est pas pertinente. Il y a parfois des propos négatifs sur ses recherches<br /> bien blâme - que nous analysons comme en (26), sur sa plastique en (27). Propos qui se<br /> critique indirecte du discours de e1, et au-delà, voient ici implicitement reformulés de façon<br /> de la personne correspondant référentiellement quelque peu hyperbolique;<br /> à e1 lui-même - mais qui ne dérive pas - La discordance avec le co(n)texte, moins<br /> forcément d’un acte direct de louange. Tout patente dans la mesure où il s’agit dans ces<br /> comme l’antiphrase est un des fonctionnements deux cas de l’évaluation, forcément subjective,<br /> J. Bres / VNU Journal of Science, Foreign Languages 27 (2011) 147-162 159<br /> <br /> <br /> d’une qualité scientifique (26) ou physique (27), de e1. Les deux actes coexistent, et cette<br /> est présente: l’article évalué ne saurait - même coexistence n’est en rien contradictoire parce<br /> aux yeux de son auteur - passer pour nul; la qu’ils portent sur deux objets différents: les<br /> jeune femme - même à ses propres yeux - ne qualités du travail ou du physique de<br /> saurait passer pour très très laide. Mais peut- l’allocutaire, le discours qui lui est prêté.<br /> être que dans ces exemples - est-ce typique de
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